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Toutes les femmes/11

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A. Méricant (3p. Ill.-220).


Femme hawaïenne.

LES AMÉRICAINES

Indiennes de l’Amérique du Nord.

Toutes les peuplades indigènes de l’Amérique, des mers glaciales du Septentrion au cap Horn, présentent, si l’on en excepte les Esquimaux, des traits de parenté indéniables. À travers les différences de milieu et de climat, de mœurs et de langues, de genre de vie et de civilisation, qu’elles habitent les rives glacées de la baie d’Hudson ou les torrides vallées des affluents de l’Amazone, qu’elles vivent de culture ou de chasse, qu’elles soient à demi policées ou sauvages, certains caractères physiques les rapprochent les unes des autres et affirment la similitude d’origine, la communauté de la race : un teint jaune, tantôt rougeâtre, tantôt nuancé d’olive : une démarche lente, un air grave, un buste large et puissant avec des membres comparativement faibles ; une figure anguleuse aux traits bien marqués, presque également durs chez la femme et chez l’homme ; des cheveux noirs, raides, jamais bouclés ; des arcades sourcilières proéminentes : un nez, en général, aquilin ; des mâchoires solides.

On connaît l’histoire lamentable de cette race qui s’est trouvée brutalement refoulée et décimée par les envahisseurs européens. Les conquérants ont stupidement arraché tous les germes des évolutions progressives qui se développaient dans son sein. L’ignorance et la barbarie espagnoles détruisirent les empires du Mexique et du Pérou et seuls, aujourd’hui, des débris imposants de temples, perdus dans les solitudes des forêts, des tronçons épars de routes sillonnant les montagnes, attestent la grandeur de civilisations à tout jamais disparues.

On sait aussi combien rude était le genre de vie imposé jadis à la compagne de l’Indien sauvage dans les vastes plaines de l’Amérique du Nord. Jamais de domaine fixe, si ce n’est pendant l’été. Quand venait l’automne, la tente était pliée et, tant que durait l’hiver, c’était l’existence errante, à la recherche du gibier. La polygamie et le divorce étaient des coutumes admises ; certaines femmes avaient été répudiées cinq ou six fois et n’en trouvaient pas moins de nouveaux époux ; un guerrier prenait autant de femmes qu’il en pouvait nourrir ; parfois il épousait toutes les sœurs d’une même famille. L’adultère était sévèrement puni ; en général, le mari infligeait à la coupable le supplice qui lui convenait ; tantôt se contentant de lui couper le nez ou les oreilles, tantôt la
Indienne de l’Amérique du Nord.

condamnant à la mort par le feu, tantôt l’abandonnant dans la prairie après l’avoir livrée, les membres liés, à la lubricité de tous les guerriers du clan. Par contre, ces farouches justiciers se prêtaient ou se louaient leurs femmes sans y voir rien de déshonorant.

Le mariage ne pouvait être conclu qu’entre jeunes gens appartenant à deux clans différents. En cas de séparation à l’amiable, les enfants étaient, autant que possible, partagés entre le père et la mère. Nombreuses étaient les filles qui préféraient rester libres et accompagner, suivant leur fantaisie, tel ou tel chasseur pendant la durée d’une expédition. Les enfants de ces femmes indépendantes n’avaient à souffrir d’aucune déconsidération. Ces vierges folles, dites « femmes de chasse », étaient mises par la tribu à la disposition des étrangers envers qui l’on voulait remplir jusqu’au bout les devoirs de l’hospitalité.

Dans toutes les tribus peaux-rouges, la condition des femmes est assez misérable. Elles ont en partage, comme chez presque tous les peuples barbares, tout le travail et toute la fatigue ; elles sèment le blé, fabriquent les vêtements et les chaussures, dressent les tentes, coupent le bois, charrient l’eau et portent le bagage. Au wigwam de l’Indien sauvage, comme au douar de l’Arabe, l’étranger est surpris de voir son hôte fumer sa pipe nonchalamment étendu au coin du foyer, tandis que sa femme se livre aux plus rudes travaux et manie des fardeaux qui semblent au-dessus de ses forces.

Il ne faut pas, pour cela, croire que la femme ne comptait pour rien dans la nation. Elle assumait, au contraire, de lourdes responsabilités et n’était pas sans jouir parfois de pouvoirs assez étendus. C’est sous le contrôle, sous la garde d’une matrone âgée qu’étaient déposées dans les magasins publics toutes les réserves de nourriture qui devaient assurer la subsistance du village : produits de la culture du sol, de la chasse, de la pêche ou même de la guerre. Il n’y a guère plus d’une trentaine d’années, certaines tribus iroquoises vivaient encore dans ces grands bâtiments rectangulaires, longs d’une centaine de pieds, que l’on appelait des «longues maisons ». Deux portes, reliées par un couloir central, étaient percées à chacune des extrémités et, de chaque côté du couloir, étaient disposées des cases servant de logements aux diverses familles. C’étaient les femmes qui étaient chargées de l’administration intérieure de ces vastes demeures. Les provisions y étaient propriété commune et le chasseur maladroit qui, à titre de mari ou de soupirant, n’apportait point sa part pouvait, si les femmes le demandaient, être exclu et renvoyé à sa famille d’origine.

Il en était à peu près de même chez
Indienne du Haut-Missouri.

les Algonquins, les Delawares, les Lenapes, dans ces tribus, sœurs des tribus iroquoises, ayant la même peau cuivrée et rougeâtre, les mêmes traits un peu mongoliques, qui habitaient les régions pensylvaniennes où Fenimore Cooper a placé la plupart des scènes de ses drames émouvants.

Aujourd’hui, les descendants des héros de Fenimore et de Mayne-Reid ne comptent plus comme nation ; perdus dans les grandes villes de la Nouvelle-Angleterre, courbés sous le dur joug que la civilisation industrielle des Yankees leur a imposé, ils disparaissent peu à peu et bientôt leur nom ne vivra plus que dans la littérature des conquérants à face pâle.

Au contraire, les tribus canadiennes, Iroquois, Hurons, Cherokees, se montrent plus souples, plus aptes à accepter les nouvelles conditions d’existence qui leur sont offertes. Quant aux anciens maîtres des rives du Mississipi, Choctaws, Creeks, etc., ils ont, pour la plupart, adopté le genre de vie et les vêtements des Anglo-Saxons ; l’arrière-petite-fille de la jeune mère indienne que Chateaubriand nous dépeignait, suspendant sa progéniture aux branches flexibles d’un érable ou d’un sassafras, aujourd’hui, confortablement installée au creux d’un rocking-chair, lit dans un journal composé dans sa langue maternelle, par des typographes de sa nation, le récit de la fête à laquelle elle a dansé la veille ou l’éloge du prédicateur qui l’édifiera le lendemain.

Dans la vallée du Missouri, les Sioux, les Dacotahs, les Omahas, de même que les Apaches au Sud, dans celles du Colorado, du Rio-Gila et du Grande-del-Norte, ont conservé en grande partie leurs mœurs et leurs coutumes anciennes. La tente en peau de bison a disparu des wigwams sioux et a fait place à la tente de toile, l’habit de cuir n’est plus porté par l’Apache, qui se vêt aujourd’hui de lainages et de cotonnades, à l’instar de son cognominis des faubourgs parisiens ; mais, chez les uns comme chez les autres, la squaw, sans être maltraitée, reste toujours chargée de tout le travail.

Les plus heureuses parmi les femmes indigènes de l’Amérique du Nord sont, sans doute, celles des Comanches, ces Indiens des Pueblos que les Yankees désignent sous le nom de Cliff-Dwellers, ou habitants des roches. Moins grandes, moins maigres que les Apaches, d’aspect moins mongolique que les Sioux, les femmes comanches ont, en général, le teint plutôt café au lait que rougeâtre, le nez court, droit ou légèrement retroussé, la face large, les yeux relativement peu ouverts. Elles portent leurs longs cheveux tombant sur les épaules, divisés par une raie ou légèrement coupés sur le front, à la chien.

Leur vie est sédentaire ; quelquefois leur demeure est une simple caverne ou une anfractuosité de rochers, le plus souvent elles habitent les constructions en terre ou les immenses bâtiments de pierre, appelés pueblos par les Espagnols, et qui ne sont pas sans quelque analogie avec la « longue maison « iroquoise.

Libre d’elle-même, la jeune fille comanche ne se marie que lorsqu’il lui plaît. Une fois mariée, son époux a pour elle toutes sortes d’égards ; mais il lui serait imprudent de vouloir revivre, ne fût-ce qu’un instant, les jours de liberté de sa jeunesse : elle risquerait d’y perdre au moins le nez.

Indiennes de l’Amérique
du Centre.

Les races indigènes de l’Amérique centrale, qui subirent jadis l’influence de la civilisation mexicaine, se sont aujourd’hui fortement métissées au contact des éléments blancs ou noirs et, en immense majorité, ont accepté la civilisation qui, un peu brutalement, leur fut apportée d’Espagne. Il faut descendre jusque dans le Guatémala pour trouver des tribus indiennes où se soit conservée à peu près intacte l’originalité des mœurs d’autrefois.

Petites, trapues, fortes, assez sujettes à l’embonpoint, les Indiennes du Centre-Amérique ont la peau bronzée, la face large, le front bas, le nez droit, les yeux foncés, petits et horizontaux, la bouche moyenne, les lèvres fortes. Leur costume national se composait jadis d’une large bande d’étoffe formant jupe ; un grand manteau sans manches, jeté sur les épaules, les protégeait en cas de mauvais temps. Elles portent maintenant une longue robe que serre à la taille une ceinture et le manteau a été remplacé par un châle. Les pieds restent nus en toute occasion.

Soumises au travail, car il leur faut bien se charger des fardeaux quand l’homme doit pouvoir ne porter que ses armes pour parer aux besoins de la défense et de la chasse, elles jouissent cependant d’une liberté plus grande que leurs sœurs de l’Amérique du Nord.

Au Mexique, les Aztèques forment encore une fraction importante de la population. Leurs femmes, de taille moyenne, un peu trapues, aux membres bien proportionnés, pourvus d’extrémités très petites, ne sont pas dénuées de charme, surtout dans leurs primes années, tant que leur taille garde sa sveltesse. Le nez est camard, le front étroit, la bouche grande, les lèvres charnues et violacées, les cheveux bruns, épais et rudes, mais les yeux sont d’un noir séduisant et les dents très belles. Intelligentes, elles exercent une certaine influence sur la société mexicaine, mais leur espagnolisation n’est que de surface. Elles sont, au moral, restées ce qu’étaient leurs aïeules, sujettes de Montezuma et de Guatimozin.

Indiennes de l’Amérique du Sud.

Entre les mœurs comme entre les types des Indiens de l’Amérique du Sud et ceux des Peaux-Rouges de l’Amérique du Nord, les différences sont plus apparentes que réelles. Aussi une revue des diverses grandes races qui peuplent l’immense continent s’étendant de l’isthme de Panama au détroit de Magellan risquerait-elle d’être sans grand intérêt pour qui n’est ni anthropologue ni ethnographe de profession. Aussi nous contenterons-nous de signaler les Caraïbes, petites et graciles, dont la race peupla jadis les Guyanes, les Antilles et la Floride et dont on ne retrouve aujourd’hui que quelques tribus éparses ; les Chacos, froides et réservées, souvent féroces, particulièrement repoussantes dès qu’elles arrivent à l’âge mûr ; les Chiquitos, aimables et joviales, dont la chevelure jaunit mais ne blanchit pas avec les années ; les Pampas, au teint olivâtre, aux formes robustes, qui errent dans les immenses savanes s’étendant des Andes à l’Atlantique et du Paraguay à la Patagonie ; les non moins robustes Araucanes qui dissimulent le teint bruni de leur visage sous une couche de peinture rouge ; les Patagones, enfin, de taille élevée mais non pas gigantesque, à face large et aplatie, farouches guerrières que réjouit la vue du sang, se délectant à la pensée que leurs fils seront des tueurs d’hommes.

Les femmes guaranies méritent une mention spéciale. Leur nation occupe de vastes territoires formant la majeure partie de la vallée de l’Amazone. De taille plutôt petites, de formes massives, le teint rougeâtre, elles se distinguent par la richesse de leur gorge et la douceur de leur physionomie ; leur tête est ronde, leur figure pleine, leurs yeux souvent obliques et relevés à l’angle extérieur. Non moins féroces que les hommes, elles participent aux guerres et aux festins anthropophagiques qui en sont l’épilogue.

On a vu dans ces mœurs guerrières l’origine de la légende amazonienne qui a donné son nom au grand fleuve américain. Peut-être cette légende, qui avait crédit chez les indigènes longtemps avant la découverte du pays par les Espagnols, n’est-elle pas absolument une fable. Selon les anciens chroniqueurs, les Amazones auraient habité un pays montagneux situé au nord de la vallée du Marañon. Elles n’auraient entretenu de relations amicales qu’avec les Guacaras dont les guerriers avaient l’honneur d’être leurs
Indienne de l’Amérique du Sud.

temporaires époux. Les filles qui provenaient de ces liaisons étaient nourries par leurs mères et dressées par elles au travail et au maniement des armes, les garçons étaient rendus à leurs pères ou tués au moment de leur naissance.

Quelle part y a-t-il lieu de faire à la vérité dans ces racontars ? Il est presque impossible de le déterminer ; mais ce que nous connaissons du caractère de certaines tribus guaranies permet d’admettre qu’il ait pu jadis, dans les montagnes guyanaises, se trouver un district peuplé, comme le disaient les Indiens, de « femmes sans maris ».

Les Botocudos, qui sont peut-être les primitifs habitants du Brésil, se sont acquis une réputation de barbarie et d’abrutissement qui semble assez méritée. Ils doivent leur nom au singulier ornement dont tous, hommes comme femmes, se chargent les oreilles et les lèvres et qui affecte la plus grande ressemblance avec le tampon d’une barrique (en portugais, botoque). Les jeunes coquettes de cette peuplade, sans aucun vêtement pour voiler leurs charmes, avec leurs membres grêles, leur buste large, leurs pommettes hautes et saillantes, leur nez épaté, leurs lèvres distendues, chargées de morceaux de bois pareils aux pions d’un jeu de dame, leurs yeux bridés, leurs cheveux taillés en champignons, ne sont pas faites pour donner une idée avantageuse des primitives races américaines.

Sur le versant pacifique des Andes, les Quichuas étaient maîtres jadis ; c’était la tribu inca qui dominait sur les divers peuples composant l’empire péruvien. Petites, de formes massives, fortes de poitrine, la figure large et ovale, les femmes quichuas nous paraissent sérieuses, réfléchies, tristes même. Leur caractère est doux et amène. Une jupe faite d’un simple morceau d’étoffe enroulé autour de la ceinture forme toute leur parure.

Une des peuplades les plus arriérées parmi celles qui restent sur le globe pour témoigner de ce que fut l’humanité primitive, est dispersée sur les rivages battus par le vent et la tempête des îles formant la pointe méridionale du continent : ce sont les Pécherais de la Terre-de-Feu.

Le sort de la Fuégienne est comparable à celui de l’Australienne. Chargée de tous les travaux pénibles, maltraitée abominablement, elle risque encore, en temps de famine, d’être sacrifiée. Les vivres viennent-ils à manquer, on s’empare d’une vieille femme, on l’asphyxie en lui maintenant la tête dans l’épaisse fumée d’un feu de bois vert, puis on la mange. Comme un voyageur demandait à ces brutes pourquoi ils ne tuaient pas plutôt un de leurs chiens : « Le chien prend la loutre », répondirent les pratiques cannibales.