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Traité de la résolution des équations numériques de tous les degrés/Note 10

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NOTE X.

SUR LA DÉCOMPOSITION DES POLYNÔMES D’UN DEGRÉ QUELCONQUE
EN FACTEURS RÉELS.


1. Je me propose de montrer dans cette Note comment tout polynôme d’un degré quelconque peut toujours se résoudre en polynômes réels du premier ou du second degré. En regardant un polynôme comme composé d’autant de facteurs simples qu’il y a d’unités dans l’exposant de la plus haute puissance de l’indéterminée, on voit clairement qu’il ne peut avoir pour diviseurs que des polynômes composés de quelques-uns de ses facteurs ; d’où il suit d’abord que, si est le degré du polynôme donné, il pourra avoir autant de diviseurs différents du degré qu’il y a de manières de prendre n choses sur choses, c’est-à-dire, par la théorie des combinaisons, qu’il y a d’unités dans le nombre

que nous désignerons par dans la suite.

Cette seule considération nous met en état de déterminer a priori les coefficients du polynôme diviseur sans passer par les opérations longues et pénibles de la méthode ordinaire, fondée sur la division ou sur la comparaison du produit de deux polynômes indéterminés avec le polynôme diviseur, et sur l’élimination successive des inconnues.

2. Soit, en effet, le polynôme du degré

que nous supposerons composé des facteurs simples

En développant le produit de ces facteurs et le comparant terme à terme avec le polynôme donné, on aura, comme l’on sait,

Si l’on représente de même par

un diviseur du même polynôme, ce polynôme diviseur ne pourra être composé que d’un nombre des mêmes facteurs simples ainsi l’on aura, en ne prenant que quantités parmi les quantités

Comme les coefficients donnés sont des fonctions des quantités dans lesquelles ces quantités entrent toutes également, et qui demeurent ainsi invariables en faisant entre ces mêmes quantités tels échanges que l’on voudra, il s’ensuit que toute expression rationnelle de ces coefficients aura la même propriété ; et, comme les coefficients du diviseur sont de semblables fonctions, mais seulement d’un nombre des quantités il est évident que ces coefficients ne peuvent pas être exprimés par des fonctions rationnelles des coefficients mais on pourra les faire dépendre chacun d’une équation dont tous les coefficients seront des fonctions rationnelles de en composant cette équation de manière qu’elle ait pour racines toutes les différentes valeurs de ou de ou de etc., dont le nombre est égal au nombre donné ci-dessus.

3. Considérons le dernier coefficient qui est formé du produit de des quantités on aura

pour les différentes valeurs de Donc, si l’on forme un polynôme du produit de ces facteurs simples

ce polynôme aura la propriété d’être une fonction invariable de indépendamment de l’indéterminée par conséquent, étant développé, tous ses coefficients auront encore la même propriété.

Car soit ce polynôme

on aura

où l’on voit que les coefficients sont en effet des fonctions invariables de Or, on sait que ces sortes de fonctions peuvent toujours être déterminées par des fonctions rationnelles des coefficients

4. En effet, on peut d’abord déterminer par ces fonctions la somme des puissances d’un même degré des quantités comme nous l’avons vu dans la Note VI (no 1). Ensuite, si l’on multiplie somme des puissances par somme des puissances le produit sera égal à ainsi l’on aura la somme des termes au moyen de celle des puissances. On trouvera pareillement

ainsi l’on aura aussi cette dernière somme en fonction des sommes des puissances, et ainsi de suite.

Maintenant il est facile de voir que toute fonction rationnelle et invariable des quantités ne peut être formée que d’une ou plusieurs sommes des formes précédentes ; elle pourra donc toujours être déterminée en fonction des coefficients

C’est là un des principes les plus féconds de la théorie des équations. Newton, et longtemps avant lui Albert Girard, avaient donné la manière de déterminer la somme des puissances des racines d’une équation par des fonctions de ses coefficients. (Voyez, dans l’Ouvrage d’Albert Girard, intitulé Invention nouvelle en Algèbre et imprimé à Amsterdam en 1629, l’exemple second du théorème second.) Euler, dans les Mémoires de l’Académie de Berlin pour l’année 1748, et Cramer, à la fin de son Introduction à l’analyse des lignes courbes, ont fait voir que l’on pouvait toujours déterminer par les coefficients d’une équation les sommes des produits de ses racines, prises deux à deux, trois à trois, etc., et élevées à différentes puissances, et Waring a donné ensuite des formules générales pour trouver ces sortes de fonctions des racines ; mais, dans les cas particuliers, il est peut-être plus simple d’employer la méthode indiquée ci-dessus.

5. À l’égard des coefficients du polynôme, on pourra les calculer de la manière suivante.

On commencera par déterminer les sommes des puissances par ces formules

Ensuite on cherchera les termes ièmes des séries

Ces termes seront les valeurs des sommes

Enfin on aura

Au reste il est visible qu’on aura d’abord sans calcul les valeurs du premier coefficient et du dernier car le coefficient est évidemment égal au coefficient de la puissance dans le polynôme donné

Quant au coefficient il est visible qu’il doit être de la forme

et, pour déterminer l’exposant il suffira de considérer que ce coefficient doit être le produit de quantités, dont chacune est le produit de quantités prises parmi les quantités de sorte que ce coefficient sera de la dimension donc il faudra que et par conséquent

Donc, puisque

on aura

et la valeur de sera

Ayant ainsi la valeur du dernier coefficient du polynôme en on pourra se contenter de calculer directement la première moitié des coefficients de ce polynôme. Car soient les termes qui précèdent le dernier il est facile de voir qu’on aura

Or, si l’on désigne par le coefficient de la puissance dans le polynôme donné on aura aussi

Donc et par conséquent

Ensuite, si l’on désigne par les coefficients du polynôme donné qui précèdent le dernier lorsqu’on aura trouvé l’expression de en il n’y aura qu’à y changer en en en etc., pour avoir la valeur de et, faisant les mêmes changements dans l’expression de on aura la valeur de et ainsi de suite.

Ayant ainsi formé le polynôme en si on le fait égal à zéro, on aura une équation dont les racines seront et qui servira, par conséquent, à déterminer la valeur de . Il ne restera donc plus qu’à trouver les valeùrs de tous les autres coefficients du polynôme diviseur.

6. La manière la plus simple de trouver ces coefficients est de faire la division actuelle du polynôme

par le polynôme

jusqu’à ce qu’on soit parvenu à un reste dans lequel la plus haute puissance de soit moindre que alors, en égalant à zéro chacun des termes de ce reste, pour qu’il devienne nul indépendamment de l’inconnue on aura équations entre les coefficients et l’on pourra, généralement parlant, par ces équations, déterminer les valeurs de en fonctions rationnelles de On aurait ensuite l’équation même en par la substitution de ces valeurs dans l’équation restante ; mais, comme on ne voit pas de cette manière de quel degré devrait être cette équation finale en qu’on pourrait même parvenir à une équation en d’un degré plus haut qu’elle ne devrait être, ce qui est l’inconvénient ordinaire des méthodes d’élimination, nous avons cru devoir montrer comment on peut trouver cette équation a priori et s’assurer du degré précis auquel elle doit monter.

Par la même raison, nous croyons qu’il est nécessaire d’avoir une méthode directe pour trouver les expressions des coefficients en et pour être assuré que ces expressions peuvent toujours être rationnelles, excepté les cas particuliers où elles doivent dépendre d’équations du second ou du troisième degré, comme nous l’avons déjà observé dans la Note précédente. Voici donc comment, en supposant l’équation en on peut avoir la valeur des coefficients en fonction de .

7. Je considère que, la quantité étant indéterminée, on peut mettre à la place de tant dans le polynôme donné

que dans le polynôme diviseur

Par cette substitution, le premier de ces polynômes deviendra

où l’on aura

et le second polynôme deviendra pareillement

en faisant

D’où l’on peut conclure que, si dans l’équation en

dans laquelle les coefficients sont des fonctions de on substitue respectivement au lieu de ces quantités, la valeur de deviendra celle de quelle que soit la valeur de de sorte que, en développant les termes suivant les puissances de il faudra que la somme de tous les termes multipliés par une même puissance soit nulle, ce qui donnera plusieurs équations, dont chacune servira à déterminer un des coefficients par les précédents.

8. On pourra même trouver directement ces équations par l’algorithme des fonctions dérivées. En effet, si l’on met partout à la place de il s’ensuivra des formules précédentes que, devenant deviendra

c deviendra

etc., et enfin deviendra

Donc, si l’on regarde, ce qui est permis, les coefficients et comme des fonctions de et qu’on se rappelle que, devenant toute fonction de comme devient

on pourra supposer

et il n’y aura plus qu’à prendre les fonctions dérivées successives de l’équation en et faire les substitutions précédentes.

9. Supposons

en sorte que soit l’équation qui détermine la valeur de cette quantité étant regardée comme une fonction de donnera les équations dérivées

Mais, pour pouvoir distinguer dans ces fonctions ce qui est dû en particulier aux variations des quantités et nous représenterons en général, à l’imitation de ce qu’on pratique dans le calcul qu’on appelle aux différences partielles, par les coefficients des fonctions dérivées dans l’expression de par les coefficients des quantités dans l’expression générale de et ainsi de suite, et nous appellerons de même ces fonctions fonctions dérivées partielles. Lorsque est la variable principale dont les autres sont ou peuvent être censées fonctions, on aura mais nous retiendrons la lettre sous les lettres pour représenter en général les coefficients des termes de qui contiendraient cette même lettre, si était une fonction quelconque d’une autre variable principale, et pour dénoter par conséquent ce qui est dû en particulier à la variation de

Cette notation est plus nette et plus expressive que celle que j’ai employée dans la Théorie des fonctions, en plaçant les accents différemment, suivant les différentes variables auxquelles ils se rapportent. En la substituant à celle-ci, l’algorithme des fonctions dérivées conservera tous les avantages du Calcul différentiel, et aura de plus celui de débarrasser les formules de cette multitude de qui les allongent et les défigurent même en quelque façon, et qui rappellent continuellement à l’esprit l’idée fausse des infiniment petits.

10. On aura ainsi, en regardant toutes les quantités , et comme les fonctions quelconques d’une variable primitive,

et, prenant de nouveau les fonctions dérivées,

et ainsi de suite.

Donc, faisant

comme nous l’avons trouvé ci-dessus, on aura les équations savoir

et ainsi de suite, dans lesquelles les fonctions dérivées partielles

seront des fonctions connues de

La première équation donnera donc la valeur de la seconde donnera celle de etc., en fonctions rationnelles de à moins que la fonction partielle ne devienne nulle, auquel cas la première équation ne contiendra plus ni la seconde etc. Dans ce cas donc, il faudra tirer la valeur de de la seconde équation, dans laquelle monte au second degré, et les équations suivantes donneront alors les valeurs de par des fonctions rationnelles. Si la fonction dérivée était aussi nulle, l’équation en ne serait plus que du premier degré, et, si la somme des fonctions qui multiplient était nulle en même temps, la quantité disparaîtrait de la seconde équation et ne pourrait être donnée que par la troisième, où elle monterait au troisième degré, et ainsi de suite.

Or, la fonction partielle est égale à

et l’on voit que l’équation

renferme les conditions de l’égalité des racines de l’équation

D’où il s’ensuit que, si cette équation a des racines égales, et qu’on emploie pour la valeur de une des racines égales, en sorte que la fonction devienne nulle en même temps que le coefficient dépendra alors d’une équation particulière du second degré, et, par conséquent, tous les autres coefficients du polynôme diviseur dépendront à la fois de la résolution des deux équations en et en Nous en avons donné ci-dessus (Note précédente, no 13) la raison métaphysique tirée de l’égalité des racines ; mais on en a ici une démonstration analytique rigoureuse.

11. Une conséquence essentielle qui résulte des formules précédentes, c’est que, tant que la fonction ne sera pas nulle, tous les coefficients seront donnés en fonctions rationnelles du coefficient et que, par conséquent, cela aura lieu nécessairement lorsque l’équation en n’aura point de racines égales, ou du moins lorsqu’on n’emploiera pour la valeur de que des racines inégales.

Or, j’observe qu’on peut toujours faire en sorte que l’équation en n’ait point de racines égales, à moins que le polynôme donné n’ait lui-même des facteurs égaux ; mais, comme on peut éliminer ces facteurs d’avance, on pourra toujours supposer que tous les facteurs de ces polynômes soient inégaux. Cela supposé, si l’on substitue dans ce polynôme à la place de ce qui changera les coefficients en

les facteurs du nouveau polynôme seront

c’est-à-dire que les quantités deviendront

Donc les racines de l’équation en seront tous les produits possibles de quantités prises parmi les quantités et il est clair que deux de ces racines ne sauraient devenir égales, à moins qu’il n’y ait deux produits égaux de deux ou de plusieurs dimensions, formés de ces différentes quantités. Or il est visible que, tant que les quantités, seront inégales, on pourra toujours prendre de manière qu’aucune de ces égalités n’ait lieu ; car, en considérant, par exemple, les deux produits

qui se réduisent à

on voit qu’il n’y a qu’une valeur de ui puisse les rendre égaux, et que par conséquent il y en aura une infinité qui les rendront inégaux, à moins que l’on n’ait

ce qui emporterait l’égalité de et avec et

Il en sera de même des produits d’un plus grand nombre de facteurs, d’où l’on conclura, en général, qu’on peut toujours transformer ainsi le polynôme primitif, en augmentant l’indéterminée d’une quantité quelconque, de manière que l’équation résultante en n’ait point de racines égales.

12. Nous venons de donner non-seulement la manière, mais les formules mêmes par lesquelles on pourra toujours trouver un diviseur d’un degré d’un polynôme quelconque du degré et nous venons de démontrer par ces formules que ce diviseur ne dépendra que de la racine d’une seule équation du degré savoir

Il suffira donc que cette équation ait une racine réelle pour que tout le diviseur soit réel ; mais, comme il n’y en général, que les équations d’un degré impair, ou celles des degrés pairs dont le dernier terme est négatif, où l’on soit assuré de l’existence d’une racine réelle, il reste à voir quelles sont les valeurs de pour lesquelles ces conditions auront nécessairement lieu.

Quel que soit le nombre il est toujours réductible à la forme étant un nombre impair. Supposons on aura

ou bien, ce qui est la même chose,

et, divisant le haut et le bas de cette fraction par ensuite par par etc., on aura

Comme le numérateur et le dénominateur ne contiennent plus que des facteurs impairs, et que le nombre est par sa nature un nombre entier, il s’ensuit qu’il sera nécessairement impair.

Il s’ensuit de là que tout polynôme du degré peut toujours avoir un diviseur réel du degré le polynôme restant après la division sera donc aussi réel et du degré savoir or, étant un nombre impair, sera un nombre pair, qu’on pourra représenter par étant un nombre impair ; le polynôme restant sera alors du degré et aura un diviseur réel du degré et ainsi de suite. Comme de cette manière tout nombre entier peut être décomposé en un certain nombre de puissances croissantes de comme il s’ensuit que tout polynôme d’un degré quelconque pourra être décomposé immédiatement en un pareil nombre de polynômes dont les degrés seront ces mêmes puissances de

13. Il reste donc à considérer les polynômes dont le degré est une simple puissance de Faisons dans la formule générale de

on aura

divisant le haut et le bas de cette fraction par et ensuite par

par etc., on aura

Comme tous les facteurs du numérateur, à l’exception du premier ainsi que tous les facteurs du dénominateur, sont impairs, il s’ensuit que le nombre qui est d’ailleurs entier par sa nature, sera nécessairement de la forme étant un nombre impair.

Considérons dans ce cas l’équation en puisque le degré du diviseur est la moitié de celui du polynôme, les racines de cette équation seront tous les produits qu’on pourra faire en prenant la moitié des quantités dont le nombre est supposé pair. Donc, puisque le produit de toutes ces quantités est il s’ensuit que, si est un de ces produits partiels, en sera un autre ; par conséquent, si est une racine de l’équation dont il s’agit, en sera une aussi. Cette équation devra donc demeurer la même, en y substituant pour .

Par cette substitution, l’équation

deviendra, après avoir été multipliée par et divisée par

et, comme ces deux équations doivent être identiques, on aura

mais on a trouvé ci-dessus étant (à cause de dans le cas présent), et par conséquent impair ; on aura donc

ainsi, en substituant à la place de et réunissant les termes également éloignés du milieu, l’équation en deviendra

14. C’est la forme générale des équations qu’on appelle réciproques, et qui peuvent toujours s’abaisser à un degré moindre de la moitié.

En effet, en divisant l’équation précédente par elle devient

Or, si l’on fait

on aura

d’où l‚on tire

et en général

Par le moyen de ces substitutions, l’équation en du degré sera transformée en une équation en du degré laquelle sera de la forme

en supposant

Ensuite on aura en par l’équation

laquelle donne

15. Maintenant on voit qu’il suffit de calculer directement la moitié des coefficients de l’équation en ce qui réduit le calcul à la moitié. On voit de plus que, comme l’exposant est dans le cas présent un nombre de la forme étant impair, le nombre sera impair, et par conséquent l’équation en aura nécessairement une racine réelle.

Mais, pour que ait une valeur réelle, il ne suffit pas que la valeur de soit réelle, il faut encore que soit une quantité positive. Cela aura lieu nécessairement lorsque a une valeur négative ; ainsi, dans ce cas, le polynôme du degré est résoluble par deux polynômes réels du degré Mais, si a une valeur positive, il faut voir de plus si l’on peut toujours trouver une valeur réelle de telle que

16. Soit donc

qu’on substitue, dans l’équation précédente en au lieu de on aura, après avoir fait disparaître le radical par l’élévation au carré et ordonné les termes suivant les puissances de une équation en du même degré laquelle aura nécessairement une racine réelle

positive si son dernier terme est négatif. Or, puisque est un nombre impair, le dernier terme sera le produit de toutes les racines, pris négativement ainsi la question est réduite à voir si le produit de toutes les valeurs de est essentiellement une quantité positive, en supposant que la valeur de soit positive.

Puisque

on aura

Or a pour valeurs tous les produits qu’on peut faire en multipliant ensemble une moitié des quantités et nous avons déjà vu que les valeurs de sont les produits qu’on peut faire en multipliant ensemble l’autre moitié des mêmes quantités ; donc les valeurs de seront deux à deux égales et de signe contraire ; par conséquent, on aura toutes les valeurs différentes de en ne donnant à que la moitié de ses différentes valeurs, et il est évident que le produit de toutes les valeurs de sera positif si le produit des valeurs de peut être exprimé par une fonction rationnelle des coefficients car alors son carré sera nécessairement une quantité positive.

S’il n’y a, par exemple, que quatre quantités toutes les valeurs de seront

et les valeurs différentes de seront, en ne prenant pour que les trois premiers produits,

le produit de ces trois quantités, étant développé, donne

où l’on voit que la partie positive et la partie négative sont chacune une fonction invariable et symétrique des quantités et peuvent par conséquent être déterminées en par les formules données plus haut.

17. Généralisons maintenant ce résultat et désignons, pour plus de simplicité, par les différents produits qu’on peut faire avec la moitié des quantités en y conservant une même quantité et par les produits formés par l’autre moitié des mêmes quantités, et que j’appellerai réciproques. Je vais d’abord prouver que les quantités et leurs réciproques renferment toutes les valeurs de On a vu que ces valeurs sont au nombre de et, à cause de on a

D’un autre côté, comme on a supposé que les quantités contiennent toutes une même quantité il est clair que le nombre de ces quantités sera celui de tous les produits qu’on peut faire en ne prenant que quantités sur quantités ; donc ce nombre sera

Donc, puisque les quantités forment la moitié de toutes les valeurs de il suffira de prendre ces quantités pour les différentes valeurs de et seront les valeurs correspondantes de Ainsi il s’agira de voir si le produit

est nécessairement, une fonction invariable des quantités auquel cas on sera assuré qu’il peut être déterminé rationnellement par les coefficients D’abord il est évident que toutes les permutations qu’on peut faire des quantités entre elles ne peuvent que faire échanger les produits entre eux, et leurs

réciproques en même temps entre eux, de sorte qu’il ne peut résulte de ces permutations aucun changement dans le produit

Considérons ensuite les échanges de contre chacune des autres quantités il est clair que, en échangeant en celles des quantités qui contiennent à la fois et ne souffriront aucun changement ; il n’y aura donc à considérer que celles qui ne contiennent point Or, si par exemple ne contient point comme les deux produits et contiennent toutes les quantités il s’ensuit que sera contenu dans et ainsi des autres ; donc, par l’échange de en toute quantité ou etc., qui ne contiendra point ne pourra que devenir une des réciproques qui sont supposées ne point contenir ainsi deviendra par exemple et alors deviendra nécessairement donc deviendra et en même temps deviendra D’où l’on peut conclure en général que, par les échanges de en les différents facteurs ne pourront que rester les mêmes, ou s’échanger entre eux, en changeant en même temps de signe.

18. Maintenant, si l’on cherche le nombre des produits qui ne changeront pas par l’échange de en ce nombre sera celui de ces produits où et se trouveront ensemble ; donc, le nombre total des quantités étant et le nombre de ces quantités dans chaque produit étant le nombre des produits qui contiendront à la fois et sera celui des combinaisons qu’on peut faire en prenant choses sur choses ; par conséquent, il sera exprimé par

comparant ce nombre au nombre donné ci-dessus, il pourra s’exprimer par

Or, le nombre total des quantités étant si l’on en retranche le nombre on aura

pour le nombre des produits qui, par l’échange de en se changeront dans les réciproques par conséquent, ce nombre sera aussi celui des facteurs qui changeront de signe par ce même échange ; donc, tant que sera un nombre pair, et par conséquent tant que l’exposant sera une puissance de plus grande que le nombre dont il s’agit sera nécessairement pair, d’où il s’ensuit que le produit total

ne changera pas par l’échange de en il en sera de même des autres échanges de en

Donc enfin ce produit sera une fonction invariable des quantités et pourra, par conséquent, se déterminer par des fonctions rationnelles des coefficients du polynôme donné. Donc l’équation en du degré impair aura son dernier terme négatif ; par conséquent, elle aura nécessairement une racine réelle positive (no 3).

En prenant cette valeur positive pour on aura

et de là

donc

et de là

quantité nécessairement réelle, puisque nous avons supposé la quantité positive (no 16).

Donc tout polynôme du degré tant que serâ plus grand que l’unité, soit-que son dernier terme la soit positif ou négatif, pourra se décomposer, par les formules que nous venons de donner, en deux polynômes réels du degré et l’on aura ces deux polynômes à la fois en employant la double valeur de . Donc, en combinant cette conclusion avec celle qu’on a trouvée plus haut pour tout polynôme du degré on en conclura généralement qu’on peut toujours résoudre un polynôme quelconque en facteurs réels du premier ou du second degré.

19. En appliquant aux équations la théorie que nous venons de donner sur la décomposition des polynômes, on voit qu’on peut toujours résoudre une équation quelconque en deux autres équations, dont les coefficients seront réels et ne dépendront que de la racine réelle d’une équation de degré impair. Or nous avons vu dans le Chapitre I qu’on peut tout de suite avoir les limites de cette racine par la simple substitution des nombres naturels et que, ayant les premières limites, il est facile de les resserrer à volonté par des substitutions successives.

Ainsi, lorsque l’équation donnée est numérique, on pourra la résoudre en deux autres équations numériques dont les coefficients seront aussi exacts qu’on voudra, et, résolvant de même chacune de celles-ci en deux autres, on parviendra enfin à des équations du premier ou du second degré, lesquelles donneront par conséquent immédiatement toutes les racines réelles et les racines imaginaires. De là naît une méthode de résoudre les équations numériques qui est indépendante de la recherche des limites entre racines et qui, à cet égard, paraît avoir quelque avantage sur la méthode des deux premiers Chapitres. Mais, d’un autre côté, il faut avouer que, à l’exception de quelques cas particuliers où la décomposition de l’équation est facile, cette méthode sera impraticable par la multiplicité et la longueur des opérations qu’elle peut demander. Aussi l’objet principal de cette Note est de prouver a priori la possibilité de la décomposition des polynômes et des équations en facteurs réels du premier ou du second degré, objet qui n’avait pas encore été rempli d’une manière directe et complète.


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