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Trois petits poèmes érotiques/La Foutromanie/07

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Trois petits poèmes érotiquesImprimé exclusivement pour les membres de la Société des bibliophiles, les amis des lettres et des arts galants (p. 123-132).

CHANT CINQUIÈME



Si je voulais dépeindre la vérole,
De ses tourments tracer un vrai tableau,
Sans traits chargés, sans futile hyperbole,
De Cupidon déchirant le bandeau,
Jeunes fouteurs, effrayés du tombeau,
Des doux plaisirs abandonnant l’idole,
On vous verrait renoncer aux amours,
Et dans l’ennui couler de tristes jours.
Rassurez-vous : que l’espoir vous console ;
Il est encor d’adorables objets,
Solides, sains, retenus et discrets,
Qui, du virus ignorant les ravages,
En tous les temps méritent vos hommages.
Adorateurs de leurs divins attraits,
Courez jouir, sur de tendres rivages,
Du sentiment éprouver les effets
Et du retour recueillir les bienfaits.
L’esprit en paix, le corps sain et robuste,
Le cœur frappé des appas d’un beau buste,
Qu’il est flatteur de posséder le con,
Les charmes neufs d’une jeune tendron
Qu’on a séduite, et qui, loin de sa mère.
Reçoit d’amour une leçon première !

Figurez-vous un conin débutant,
Livré soudain aux assauts d’un amant,
Qui, l’attaquant avec une ardeur mâle,
D’un coup de cul s’y loge et le pourfend :
Leurs corps, unis d’une amitié brutale,
Chérissent moins les faciles appas,
Que le bonheur dont Vénus libérale
Comble les cœurs sensibles, délicats.
Les enivrant d’une tendresse égale,
La volupté s’empare de leurs sens,
Et les retient dans ces nœuds séduisants ;
Jusques aux cieux le plaisir les transporte ;
Ils sont heureux, sans art, sans trahison ;
Dans leurs écarts, s’ils perdent la raison,
Vénus les guide, et l’Amour les escorte.
Pour le plaisir les cœurs humains sont faits,
De cet aimant qui peut fuir les effets ?
Voyez des grands la perfide cohorte,
Des jeunes cons éprouver les attraits,
Aux voluptés sans cesse ouvrir la porte,
De la beauté paraître les amis,
Servir l’amour en esclaves soumis.
Rois, généraux, conseillers et ministres,
Jeunes, vieillards, philosophes et cuistres,
Sont travaillés par les mêmes désirs,
D’un même pas tous courent aux plaisirs.
Du tendre amour le chemin est rapide,
Il est si doux de lui payer ses droits,
Tout y convie, et l’honneur insipide
Très rarement décide notre choix.
Quand Montesquieu brocha l’Esprit des Lois,

Il habitait dans le Temple de Gnide :
Et ce penseur, Rousseau le Genevois,
Sophiste habile, étrange misanthrope,
Dont les travers ont étonné l’Europe,
Contre l’amour, en travaillant des doigts,
En le lardant d’une vaine apostrophe,
Pour cent beautés vit lever son anchois.
L’ardent auteur des Lettres d’Héloïse
Des voluptés ne peut être ennemi ;
Sa plume brûle, on voit la paillardise
Se déceler dans son caustique écrit.
Eh ! qui ne sait que l’écrivain d’Émile
Pour sa servante éprouva de beaux feux,
Qu’imitateur des faiblesses d’Achille,
Sa Briséis le rendit amoureux ?
Errant tous deux de montagne en montagne,
Traînant partout sa soumise compagne,
Rousseau prouva qu’en l’amoureux assaut,
A bien compter, le sage n’est qu’un sot.
A le combler quand les plaisirs s’empressent,
La raison fuit, les motifs disparaissent,
Et, tout pesé, la vertu n’est qu’un mot,
Qu’un masque usé dont personne n’est dupe.
De son plaisir chaque mortel s’occupe,
Met tout son art à parer son destin,
A se forger un sort doux et certain.
De Marmontel lisez le Bélisaire,
C’est un modèle, un chef-d’œuvre moral ;
Mais apprenez qu’il aima d’Aubeterre,
Qu’il fut fidèle au tribut animal.
Vive Dorat ! poète foutromane,

Ses vers heureux expriment ses désirs ;
Sans afficher une muse profane,
Il embellit le règne des plaisirs.
On voit qu’il suit partout son caractère,
Mettant en vers ce qu’il éprouve en lui,
Jugeant à froid les faiblesses d’autrui.
Nouvel Ovide, habitant de Cythère,
Il peint en maître et l’Amour et sa mère.
De sa Zélis, fraîche, sortant du bain,
J’aime à toiser la lubrique ceinture !
De sa Cloris l’admirable peinture
Me fait bander, j’ai le vit à la main.
En la voyant, j’adore la luxure
Qu’un peintre adroit, d’un pinceau libertin,
Sait crayonner, en traçant la nature.
Tous ces rimeurs, sublimes, ennuyeux,
Dont les romans en cinq actes pompeux,
Froids canevas de faits invraisemblables,
Peignent sans sel des amours pitoyables,
N’ont aucun droit à me toucher le cœur.
Et que m’importe un monarque, un vainqueur,
Encor fumant du sang de ses semblables,
Qui, tout bouffi, raconte avec froideur
Ses feux glacés, son orgueilleuse ardeur ?
D’un gros manant je préfère la flamme ;
J’y lis son cœur, j’y démêle son âme,
Ses sentiments sont d’un sincère aloi,
Et quand d’amour il reconnaît la loi,
C’est sans détour qu’il souscrit à son maître.
Il est vraiment tel qu’on le voit paraître :
N’use jamais d’un langage emprunté,

Fout avec nerf, aime avec vérité ;
De l’intérêt ignorant la puissance,
Le plaisir seul guide sa jouissance :
Son vit heureux ne craint aucun revers,
Dans son amante il voit tout l’univers,
Peuple marchand, intéressé, stupide,
Froid, monotone, impudemment avide,
Sots Hollandais, qui, prisant un trésor
Par-dessus tout, victimes de vos veilles,
Au sentiment refusant les oreilles,
Ne savez rien, et n’adorez que l’or,
Courez jouir : votre printemps s’écoule,
Le plaisir fuit, les maux naissent en foule,
Servez l’amour, goûtez-en les appas.
Et prévenez les horreurs du trépas.
Lorsque la Parque, à la marche rapide,
Aura tonné, que seront vos ducats ?
Traîner par goût une vie insipide,
Sans intervalle entre de longs travaux,
Sans se prescrire un temps pour le repos.
Du galérien c’est s’imposer la chaîne :
Dame fortune en son cortège traîne
Les noirs soucis, étouffe la gaîté ;
L’ambition éteint la volupté.
Triste Plutus, laborieux avare,
A qui les biens offrent seuls des appas,
A tes amis, à toi-même barbare,
Que fait ton or relégué dans des sacs ?
Veux-tu savoir quel est le bien suprême ?
Fais des heureux, sois fortuné toi-même,
Cherche un objet qui t’estime et qui t’aime,

Sois-en épris, sers-toi de tes écus,
Jouis, sinon tes biens sont superflus.
Ouvre les mains, fais valoir tes richesses,
Que tes amis éprouvent tes largesses :
D’une beauté que le sort maltraita
Fais le trousseau, sois prodigue, aime-la.
Je perds le temps à prêcher ma morale
A l’harpagon qui ne sait qu’entasser,
Et point jouir ; mais la Parque brutale,
Est à l’affût, et va le ramasser.
Jeune héritier du Crésus imbécile
Qui s’astreignit, dans un modique asile,
A se morfondre auprès de ses écus,
Avec son or acquiers quelques vertus ;
Vis noblement dans l’heureuse abondance,
Sois le soutien, l’ami de l’indigence :
Malgré tes biens, souviens-toi qu’un mortel
N’est distingué qu’à raison du mérite.
N’imite pas le fils de Montmartel,
Le sot Brunoi, ce semblant de lévite,
Qui de ses biens, par un zèle hypocrite,
Court enrichir et le prêtre et l’autel.
Voulait-il pas, dans sa sotte boutade,
Vers les lieux saints porter ses pas dévots,
Accompagné de cinquante autres sots.
Exécuter une folle croisade,
Et, pour beaux fruits de cette pasquinade,
En Palestine aller laisser ses os !
Cher foutromane, en ta veine comique,
Sois travaillé d’un tout autre désir ;
Lève plutôt un sérail magnifique,

Orne, construits des temples au plaisir !
Dans tes boudoirs galants, faits par les grâces,
Prodigue l’or, accumule les glaces,
Qui, mille fois répétant les objets,
De la beauté décèlent les attraits.
En des soupers où Cupidon préside,
Suis bonnement la nature pour guide ;
Des beaux esprits consulte les discours,
Et puis, remets ton destin aux amours ;
Vois les prélats, cette race prudente,
User du temps, éloigner toute attente,
Se réjouir, se forger d’heureux jours,
Et, pour mieux foutre, inventer cent détours.
Veux-tu t’instruire et bien connaître l’homme ?
Va calculer les cardinaux dans Rome.
Vois-les servir et les cons et les culs :
Tous sont fouteurs, ou bien ne bandent plus ;
Spinola fout la sale Palestrine ;
Albani frappe au vieux trou d’Alfiéri ;
Bernis, chargé d’esprit et de cuisine,
De Sainte-Croix gratte le con pourri.
Ultramontain dans la force du terme,
Bougre avéré, las d’injecter son sperme
Dans des conduits mille fois ramassés,
Disant qu’en con l’on fout trop à son aise ;
Priape en rut, le cardinal Borghèse
Cherche des culs les canaux empestés ;
Les Monsignors, impudente vermine,
Dont Rome abonde, ennuyeux prestolets,
Lâches gîtons, fouteurs à bas violets,
De la vérole et de la cristalline

Font magasin, avancent, vit bandant,
Aux dignités n’arrivent qu’en foutant.
De Pétersbourg l’aimable souveraine
Fout à gogo, suce ses chambellans,
Ses favoris, les charge de présents
Et de cordons, pourvu qu’ils soient bandants,
Que dans le lit ils la traitent en reine.
Partout ailleurs elle se montre humaine,
Douce, clémente, écoutant les raisons,
Pardonnant même aux noires trahisons ;
Mais sur l’article elle est bonne Allemande ;
Point de quartier, elle prétend qu’on bande,
Et qu’on la foute en dépit de la loi :
Foutez-la bien, demain vous serez roi.
Les froids du Nord, les neiges et les glaces
Aux doux plaisirs prêtent encor des grâces,
Des membres sains proscrivent la langueur,
Des vits mutins renforcent la vigueur.
Brandt, Struensée, innocentes victimes,
Qui à la fureur d’un peuple audacieux
On immola pour de prétendus crimes,
Pour avoir fait plaisir à deux beaux yeux,
Eussiez-vous cru qu’en foutant Caroline,
De l’échafaud vous preniez le chemin,
Que du clergé l’assemblée assassine
Vous lancerait un décret inhumain ?
Danois cruel, ignorant et sauvage,
A la vertu croyais-tu rendre hommage,
En égorgeant deux fouteurs malheureux
Dont le savoir eût instruit tes neveux ?
Siècle de fer où de l’inconséquence,

De la sottise on chérit la puissance !
Tout porte à foutre, attise les désirs,
Un tendre objet vous invite aux plaisirs,
Puis il faudra mettre son vit en poche,
D’un con en rut essuyer la taloche,
Sans dire mot, sans répondre à son choix,
Du célibat gardant les dures lois !
Vouloir qu’un cœur soit toujours insensible,
C’est aux mortels demander l’impossible !
Que je vous plains, pauvres filles des rois,
Qui tous les jours rencontrez des hercules,
Et ne pouvez, par des lois ridicules,
Aux sens émus donner un libre cours,
Vous engager sous la loi des amours !
D’un savetier la facile héritière
Est plus heureuse, et peut de ses beaux jours
Fixer l’usage, égayer sa carrière,
Choisir des vits le plus gros, le plus long,
Sans s’épuiser à se branler le con.
Après avoir, dans le concubinage,
Tiré parti des amours de passage,
Fait maints essais de goûts bien différents,
D’un gros butor elle charme les sens,
Et le garrotte aux nœuds de l’hyménée.
Heureux manants ! canaille fortunée !
Connaissez mieux les biens de votre état,
Et n’allez plus envier au soldat
La liberté, la pénible victoire.
Libres de soin, d’ennuis et de désirs,
Peu curieux d’une frivole gloire
De mériter un feuillet dans l’histoire,

Vos jours obscurs sont tous pour les plaisirs !
Un pareil sort vaut mieux que la richesse,
Que les devoirs qu’exige la noblesse !
Je m’aime mieux roturier jouissant,
Que triste roi, que noble languissant.
Le con me plaît, il faut que je m’y plonge,
Que je courtise une fraîche beauté,
Dont l’œil mutin, symbole de santé,
Du tendre amour m’offre le doux mensonge,
Ou du retour l’aimable vérité.
Faire un cornard, endormir une mère,
D’un bel objet apaiser la rigueur,
Ami fouteur, c’est régner sur la terre,
C’est obtenir le suprême bonheur !
C’est égaler le maître du tonnerre !