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Trois semaines d’herborisations en Corse/25

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Bonifacio. — 30 mai.


Notre promenade fut limitée aux coteaux calcaires de St-Julien, au nord est de Bonifacio, à quelque distance de la marine, c’est-à-dire du port. Mais bien que fort courte, elle nous permit de récolter encore un certain nombre de plantes intéressantes, bien faites pour couronner nos herborisations dans le sud de l’île. On en jugera par l’énumération suivante :

Fumana viscida var. vulgaris G. G.
— viscida β. thymifolia G. G.
Melilotus sulcata Desf.
Cynara Cardunculus L.
Cistus polymorphus subsp. villosus L.
Hedysarum capitatum Dub.
Passerina hirsuta L.
Crupina Morisii Bor.
Echium maritimum Willd.
— Calycinum Viv.
Scabiosa maritima L.
Dorychnium suffruticosum var. Corsicum (Jord.).

Chlora serotina Koch.
Juniperus Phœnicea L.

à laquelle il faut ajouter Tunica prolifera forma Nanteuillii R. et F. nouveau pour la Corse, Ceratonia siliqua L. et notre Spergularia insularis du littoral de Calvi.

Nous retrouvons au paquebot M. Stéfani venu pour nous serrer la main une dernière fois, et bientôt le bateau prend la mer par un soleil radieux qui va faire de la traversée une véritable partie de plaisir.

La Méditerranée est un peu houleuse sous une forte brise de sud-est, mais le ciel est si pur et l’air si lumineux qu’on aurait vraiment mauvaise grâce à se plaindre. Rien d’ailleurs n’est aussi pittoresque, aussi varié, que l’aspect des côtes de la Corse vues du large : tantôt des falaises pelées, rongées, chauffées à blanc, avec leurs herbes maigres et leurs rocs nus ; tantôt des collines embaumées couvertes de maquis dont les derniers cistes baignent leurs rameaux dans les eaux bleues ; puis des golfes tranquilles, des caps hardis, des estuaires profonds, des criques gracieuses avec un encadrement de montagnes ou de forêts.

Nous passons devant l’entrée des grottes de Bonifacio dont l’une, la Dragonale, est rivale de la grotte d’Azur de Capri ; peu à peu, vers l’est, le rivage de la Sardaigne se fond dans une brume légère tandis que devant nous apparaissent à l’horizon les montagnes de Cagna et plus près de la côte la chapelle de la Trinité, construite sur un roc abrupt où l’on a indiqué le Centranthus nervosus Moris.

Le temps passe vite à admirer le panorama splendide qui se déroule à nos yeux ; voici les baies de Ventilègne, de Figari, de Roccapina, le golfe de Valinco avec le port de Propriano, le plus important du sud-ouest de l’île, où notre paquebot fait escale pendant une heure ; puis le cap Muro qui termine brusquement une chaîne de hautes collines, et nous entrons enfin dans le merveilleux golfe d’Ajaccio que l’on considère, à juste titre, comme un des plus beaux du monde.

Limité à l’ouest par l’archipel des Sanguinaires, à l’est par les plaines basses du Prunelli et de la Gravona, il offre à la ville d’Ajaccio, bâtie en amphithéâtre au fond de sa courbure, le superbe coup d’œil de sa nappe azurée et des montagnes verdoyantes qui viennent mourir sur ses bords !

Partout, autour de la ville, le long de la baie, des jardins luxueux, des pentes boisées, des maquis épais forment de la coquette cité corse le plus délicieux nid qu’on puisse rêver, ceint de robustes platanes ou de grands palmiers (Phœnix Canariensis) tout imprégné du parfum des cistes, des orangers et des acacias. Et pour contraster avec cette nature d’une exubérante richesse, les paysages sévères des montagnes, vêtues de leur éternelle brousse, s’étagent de l’autre côté du golfe, jusqu’aux cimes toujours blanches de neige du massif central.