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Tumulus

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Alexandre Cosnard

Tumulus (1843)


Orbatus[modifier]

Adieu ! vous n’aurez point de fruits…
Adieu, vous que je voulais suivre !
– Enfants qu’on m’enviait, qu’on venait admirer
Si charmants qu’à les voir on se sentait pleurer,
Prévoyant qu’ils n’allaient pas vivre !

Tous deux… morts tous les deux ! Ah ! c’est trop de rigueur ;
C’est trop, car dans leur fosse ils dorment sur le cœur
D’une autre qui m’était bien chère…
Car ces pauvres enfants, ma force et mon orgueil,
A peine ils avaient mis leurs vêtements de deuil,
Faits pour le convoi de leur mère !…

… Je souffre en tout mon corps… le mal brise mes os…
Délivrez-moi, mon Dieu ! J’ai besoin de repos,
Après tant d’épreuves si rudes !…
Tous les miens sont couchés dans leur dernier sommeil,
Et je pousse des cris que nul n’entend, pareil
Au pélican des solitudes…

… Femme, enfants gracieux, êtres purs et charmants,
Que vous avez soufferts à vos derniers moments !
Je marche plein de vos tortures…
Toujours votre agonie et ce funèbre adieu,
Sombre, à vous faire maudire et renier le Dieu
Qui tue ainsi ses créatures…

– Quel est ce dur pasteur du troupeau des humains ?
Où se réfugier ? – Vers qui lever les mains ?…
Peut-être que la mort avide,
Seule reine ici-bas, frappe d’aveugles coups,
Et qu’il n’est, au-dedans comme au dehors de nous,
Que désolation et vide…


Matinée de Printemps[modifier]

… Courage ! étouffe en toi le désespoir qui gronde !
L’existence est ailleurs qu’en ce visible monde,
Misérable séjour où rampent vos orgueils,
Et qui pourrit lui-même avec tous ces cercueils…
L’amour et le bonheur ont une autre patrie ;
Songe à nous y rejoindre, ami ; médite et prie !
Puise, aux champs, aux forêts où tu t’en vas pleurant,
De saints avis, perdus pour l’œil indifférent…
Pense à l’arbre privé de la sève divine,
Que pour jeter au feu le maître déracine ;
A la Mort qui moissonne, au Vanneur souverain
Qui sépare d’abord la paille du bon grain,
Et, pour ensemencer les célestes domaines,
Ne prend que le meilleur des récoltes humaines…
Tous ressuscitent, mais la suprême équité
Ne donne pas à tous la même éternité.
Dans la grande vallée, à la source vivante,
Il en est qui boiront l’opprobre et l’épouvante…
– Surtout ces ouvriers qui viennent là s’asseoir,
Ayant osé quitter leur tâche avant le soir.

(1843)