Une leçon de morale/I/La beauté du diable

La bibliothèque libre.

LA BEAUTÉ DU DIABLE

Partout où la beauté sauf dans un cimetière
Rayonne comme un arbre le premier des arbres
Je vis en vainqueur raisonnable

Mais si j’accepte errantes des beautés sans joie
Des bêtes malheureuses d’être sans petits
Je me refuse le désir

Je veux subtil ou glorieux la beauté nue
La transmutation des grâces évidentes
En un virginal appel d’air

La beauté trop souvent est une lampe obscure
Je l’exalte et lui donne la lueur de l’aube
Pour qu’elle échappe à la faiblesse de la lune.



Petites ailes des oiseaux pièges des perles
Je vous plonge en la pourpre des raisins du sang
La source appâte l’herbe verte

Il y a bien par-ci par-là des yeux crevés
Et des membres gelés sur des couches de pierre
Et des cheveux pris dans les ronces

Dans les artères des prodiges de poussière
Et des flammes de plomb dans des foyers éteints
Des injures sous les paupières

Mais les fauves d’été rugissent et fleurissent
Les glaces de l’hiver sont saintes à souhait
J’ai une tête à tout mêler nuits et clartés.



Par mes printemps il n’est de dons que bénéfiques
Or je vois jour et nuit sous l’angle de durée
Je veux être toujours heureux

Mes sens sont abusés par mon passé naissant
Je me vois toujours jeune accueillant nuptial
Je témoigne de mon enfance

Voici des hommes nés pour être condamnés
À mourir sans espoir et voici des enfants
Prêts à survivre par leurs rêves

Enfants marquant les pas de leur danse sur terre
Obscurs et transparents leurs sourires les bercent
Comme une flamme leur jeunesse les caresse.