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Utilisateur:Mathieugp/Brouillons/Discours de John Arthur Roebuck à la Chambre des Communes britannique le 15 avril 1834

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Cette page est consacrée à la traduction en français de [John Arthur Roebuck's Speech in the British House of Commons on April 15th, 1834]. Si vous souhaitez participer à la traduction, il vous suffit d’éditer cette page. Merci de corriger les erreurs que vous pourrez y trouver.

Monsieur le Président, je me lève pour proposer qu'un comité spécial soit nommé afin d'enquêter sur la situation politique des Canadas, et ma justification (si une telle chose est nécessaire) pour mettre cette proposition de l'avant maintenant, est l'extrême urgence de la question; l'état critique et extraordinaire des colonies auxquelles la proposition se rapporte. Et, afin d'induire la Chambre à accéder à cette demande d'un comité d'enquête, je tâcherai, par les observations dont je l'accompagnerai, de prouver, entre autre, les choses suivantes :

— Premièrement, Que les provinces sont présentement dans un état tout proche de la révolte; que le Bas-Canada particulièrement, en fait de discours, est actuellement en révolution; la Chambre d'assemblée (leur Chambre des Communes) ayant formellement rompu toute communication avec l'Exécutif et ayant également déclaré son intention de faire destituer l'actuel gouverneur, Lord Aylmer.

— Deuxièmement, je m'efforcerai également de démontrer que le présent état de perturbation dans ces deux pays est le résultat d'une série, longue et ininterrompue, de mauvais gouvernements, et que l'agitation actuelle du peuple découle directement de la conduite extrêmement imprudente et hardie de l'actuel Secrétaire d'État aux colonies — lequel, malheureusement pour notre pays, après avoir réussi à enflammer l'Irlande, emploie ses qualités aux mêmes fins dans nos possessions transatlantiques.

— Troisièmement, mon dernier objet, après avoir indiqué quel est le mal, sera de suggérer son remède, et à cette fin je tenterai d'expliquer pourquoi je désire la nomination d'un comité d'enquête.

Avant que je ne débute dans cette entreprise laborieuse, la Chambre me permettra, peut-être, de faire brièvement allusion (et je peux l'assurer que je le fais avec beaucoup de réticence) à la position dans laquelle je me trouve personnellement face à la présente question. Il pourrait tout naturellement m'être demandé pourquoi je m'y intéresse particulièrement et si je peux apporter quelque information particulière à la discussion. Je vais répondre aux deux questions immédiatement.

La connaissance que je possède sur le sujet est en grande partie due à mon expérience personnelle. Plusieurs années passées à côtoyer intimement les populations de ces pays m'ont rendu familier avec leur histoire, leurs sentiments, leur caractère et leurs souhaits. Les choses que je vais décrire je les ai vues, et si je m'avance maintenant comme témoin dans cette affaire c'est pour demander avec humilité mais aussi avec fermeté que l'on accorde à mon témoignage le respect que la Chambre a coutume de donner aux paroles de tout témoin sensé. Mes rapports privilégiés avec cette population m'ont non seulement permis de parler ses affaires comme de choses que je connais personnellement, mais m'ont également amené à me sentir concerné par son bien-être. Ceci suffit peut-être à expliquer et excuser que je me jette à l'avant-scène pour me porter à sa défense.

Je montrerai bientôt cependant qu'en tant que représentant du peuple anglais, l'importance du sujet doit attirer mon attention, même sans tenir compte de ces considérations personnelles auxquelles j'ai fait allusion. Bien que dans ce que je vais affirmer dès maintenant je parlerai d'après mes propres connaissances et ma propre expérience, je ne manquerai pas cependant de corroborer mon témoignage avec ceux des autres; et j'espère que la preuve que j'apporterai et les documents sur lesquels je fonderai mes affirmations obtiendront l'aimable et attentive considération de la Chambre.

Sans plus de préliminaires j'entamerai la discussion du sujet en question. Je dois faire remarquer, cependant, avant d'entrer dans les explications que je devrai donner à la Chambre, qu'en vue d'éviter toute confusion, mes observations, bien qu'elle soient en grande partie applicables aux deux provinces, porteront principalement, sinon exclusivement, sur une seule d'entre elles, à savoir le Bas-Canada. Pour que tous soient en mesure de juger du mérite de la résolution maintenant devant la Chambre, je devrai décrire, ne serait-ce que brièvement, le gouvernement auquel elle se rapporte.

Quiconque est un tant soit peu au courant de l'histoire de nos colonies sait que la constitution ou forme de gouvernement dont jouissent présentement les Canadas leur a été conférée par le chapitre 31 de la 31e année de George III. Par cette loi, la province de Québec fut divisée en Haut et Bas-Canada; et, à l'imitation de ce qui existe en Angleterre, un triple pouvoir à été créé dans chaque province, lequel est constitué — premièrement du gouverneur, qui est censé être analogue au roi ici; deuxièmement, le Conseil législatif, censé être analogue à la Chambre des Lords; et, troisièmement, la Chambre d'assemblée, analogue à notre Chambre des Communes. Il est nécessaire que je dise quelques mots sur chacun de ces trois états. Le gouverneur, doit-il être rappelé, est une personne envoyée d'Angleterre — il est révocable à la volonté du roi — et, alors qu'au Canada il est une partie de la souveraineté, il n'est ici qu'un serviteur du gouvernement. Conséquemment, il est clair qu'il ressemble peu ou pas du tout au roi d'Angleterre. Il est un fonctionnaire choisi par l'Exécutif et est responsable devant le peuple de l'Angleterre.

Vient ensuite le Conseil législatif. Ces membres sont nommés à vie par le roi. Il n'y a aucune aristocratie terrienne au Canada; et assurément on ne pourrait affirmer, dussions-nous concéder qu'une telle aristocratie existât, que les conseillers législatifs la représente. Ceux-ci sont habituellement de vieux fonctionnaires désignés au poste de conseiller législatif à titre de récompense pour leur bon service, ou pour certains autres buts desquels je parlerai immédiatement. Pour finir, la Chambre d'assemblée représente véritablement le peuple, du moins au Bas-Canada. Il peut y avoir quelques doutes quant à la completeness et à la pureté de la représentation dans la haute province. Tel est donc le corps législatif.

L'administration ou l'Exécutif est constitué — premièrement du gouverneur; et deuxièmement, d'un Conseil, appelé le Conseil exécutif. Maintenant, l'une des grandes causes de tous les mauvais gouvernements qui ont tourmenté ces provinces est la composition de ce Conseil et celle du Conseil législatif. Jusqu'ici ces corps ont été nominalement deux entités, mais en fait ils ne forment qu'un seul et même corps; les personnes qui composent l'un forment une majorité dans l'autre; de sorte que ceux qui composent le Conseil exécutif peuvent à tout moment stopper les travaux du gouvernement et promouvoir tous les intérêts sinistres qu'eux et leurs personnes à charge veulent établir. Si la Chambre désire le moindrement comprendre la situation politique de ces deux provinces, il est absolument nécessaire qu'elle se fasse une représentation très claire du caractère de ce Conseil exécutif et de ses employés et relations. Puisque les gouverneurs que l'Angleterre envoie dans les colonies n'y sont que pour une courte durée et qu'ils sont extrêmement ignorants de tout ce qui concerne les affaires qu'ils sont sur le point d'entreprendre, il faut qu'il y ait des personnes qui soient en tout temps prêtes et disposées à instruire leur ignorance : ces personnes sont le Conseil exécutif. Ils vivent en permanence dans la colonie et forment le lien nécessaire entre les gouverneurs qui se succèdent les uns aux autres. Aux personnes que l'on emploie de la sorte, des récompenses sont nécessairement attribuées, récompenses qui consistent en diverses places, sommes d'argent ou équivalents, payées à même les fonds de la province. D'ailleurs, ces personnes forment une société particulière qui entoure et isole le gouverneur de sorte qu'aucune personne qui n'appartienne à leur tribu ou parti ne puisse l'atteindre. Ce sont eux qui gouvernent le pays — disposent de toutes ses places de profit et de distinction, et non seulement ils gouvernent, mais aussi ils insultent le peuple. Étant ainsi réellement indépendants de tout contrôle, leur insolence, leur avidité et leur corruption est sans borne; et si, à tout moment, le gouverneur ou même le gouvernement métropolitain osent offenser leur toute-puissance, ils se rebellent, et traitent les ordres envoyées de l'Angleterre avec dédain et mépris.

Alors que telle est la nature et la conduite de cette petite et vulgaire oligarchie, je demande à la Chambre de considérer la situation particulière du peuple qu'elle domine. Ce peuple est dans l'habitude de rapports quotidiens — ou plutôt journaliers — avec les républicains des États-Unis d'Amérique. Il a l'habitude de contempler de l'autre côté de la frontière un grand peuple — pas plus instruit, pas plus désireux d'être bien gouverné qu'il ne l'est lui-même, mais qui cependant s'autogouverne aux moyens d'institutions démocratiques; et quel en est le résultat? Un état de prospérité sans égal — une croissance rapide, paisible et incessante. Des lois et des institutions qui maintiennent le cours de leur action d'une façon aussi régulière qu'une machine obéit aux lois de la physique. Ils voient un gouvernement peu dispendieux et pourtant offrant une protection parfaite — ils voient le corps des gouvernants possédant des intérêts identiques à ceux du peuple, et animé du même esprit de progrès continu, aidant toutes les entreprises — en fait, remplissant les véritables fonctions du gouvernement — ne se contentant pas de protéger au maximum la propriété, la vie et la réputation des citoyens, mais donnant son appui à toutes ces grandes entreprises qui sont mieux accomplies par l'effort conjoint de toutes les parties du peuple. Avec un tel spectacle devant eux, est-il étonnant que les Canadiens qui ont imbibé l'esprit de liberté de l'Amérique, subissent avec impatience l'insolence, l'ignorance, l'incapacité et les vices d'un nid de misérables fonctionnaires, qui, sous la domination nourricière de l'Angleterre, s'est constitué en une aristocratie, dotée de tous les vices d'un tel corps, mais rachetée par aucune des qualités qui sont censées atténuer le mal qui accompagne naturellement toutes les aristocraties.

C'est donc de ce peuple intrépide, agacé et piqué jusqu'à la folie par cette nuisible nichée, dont je parlerai maintenant. Quelques années après que leur constitution leur soit conférée, après des sollicitations répétées, les deux provinces furent autorisées à défrayer elles-mêmes les dépenses de leurs gouvernements, et par conséquent à décider de la manière dont ils devaient s'en servir. Ceux qui s'étaient opposés à la demande du peuple de pourvoir lui-même aux dépenses de son gouvernement savaient très bien que le contrôle par le peuple serait une chose très différente de celui du gouvernement d'Angleterre. L'un était proche, profondément intéressé à épargner chaque sou; l'autre était éloigné et parmi les millions qu'il dépensait, était peu susceptible de se soucier des petits montants que constituent les dépenses pour le Canada. Par conséquent, lorsque le peuple a finalement obtenu le contrôle qu'il désirait depuis si longtemps, une guerre débuta entre les officiels d'un côté et le peuple à travers ses représentants de l'autre — le premier parti désirant que la supervision exercée par le peuple soit réduite à rien; l'autre déterminé à maintenir et à exercer cette supervision jusqu'au bout. Il est curieux de voir toutes les formes qu'a revêtu le désir de la tribu officielle de se libérer de toute supervision au cours des vingt dernières années, et la diversité des astuces dont elle a usées pour tenter d'atteindre son but, et dans toutes ses tentatives, dois-je le rappeler, elle a régulièrement obtenu l'appui du gouvernement de la métropole.

La Chambre d'assemblée, agissant au nom du peuple, a été amenée à employer toutes sortes de mécanismes pour conserver son très nécessaire et légitime contrôle sur le gouvernement. Le corps administratif lui étant totalement opposé et sachant que le corps administratif pouvait commander les décisions de l'un des trois corps de la législature — à savoir le Conseil législatif, et également le gouverneur dans sa capacité législative, il lui a incombé d'être extrêmement ferme et résolu dans toutes ses démarches. L'un de ses grands objectifs a été de s'assurer d'être régulièrement convoquée et, une fois réunie en assemblée, d'être autorisée à interférer avec les affaires du gouvernement. Comment devait-elle s'y prendre pour y arriver? En Angleterre, la Chambre des Communes est nécessairement convoquée chaque année pour voter certaines dépenses et pour renouveler certaines lois annuelles. L'Exécutif ne dispose d'aucun fond et dépend totalement du Parlement. La Chambre d'assemblée s'est très justement donnée comme objectif de rapprocher sa propre condition et celle de l'Exécutif du Canada de la saine pratique qui prévaut en Angleterre. À cette fin, puisqu'elle n'a aucun Mutiny Bill à adopter annuellement et puisque les principales dépenses de la province se trouvent dans sa liste civile, la Chambre a très sagement décidé d'adopter les estimations de la liste civile sur une base annuelle. Il est assez étonnant d'apprendre quel tollé cette décision a soulevé au sein de la tribu officielle. La déloyauté, l'irrévérence envers Sa Majesté, et tous les défauts qu'il fut possible de trouver sur le moment furent attribués à la Chambre d'assemblée. Mais en réalité qu'est-ce que tout cela signifiait? Simplement ceci : que la tribu officielle voyait que par ce moyen une supervision annuelle pouvait être assurée et que cela la vexait douloureusement.

Qu'aurait dû être la conduite du gouvernement métropolitain dans cette affaire? Il aurait du accéder immédiatement aux désirs du peuple, présenter la liste civile annuellement et lui donner tout son appui pour qu'il maintienne la nécessaire supervision qu'il désirait ardemment. Le gouvernement a-t-il fait cela? Pas du tout. Il a guerroyé contre le peuple par l'entremise de trois gouverneurs successifs. Le duc de Richmond, sir Peregrine Maitland, lord Dalhousie — tous ont mené cette vilaine bataille pour la tribu officielle de laquais qui s'est jouée du gouvernement de Sa Majesté; et à l'heure actuelle le Secrétaire aux colonies est disposé à, et s'efforce même, de poursuivre cette guerre malfaisante et dégradante.

À cela s'ajouta une autre source de conflit. Les représentants du peuple, toujours désireux d'obtenir le contrôle absolu sur la dépense, résolurent de voter les sommes d'argent par article — tant pour ce fonctionnaire, tant pour cet objet; une précaution très sage, adoptée presque universellement par la Chambre des Communes anglaise. Comme à son habitude, la tribu des employés hurla beaucoup. Cette pratique, disait-elle, était destructrice de la prérogative royale - et réduisait donc le roi (toujours le roi, dont en réalité elle se souciait autant que de l'empereur de Chine) à un rôle symbolique. La chose était effroyable, intolérable, républicaine et économique. Les gouverneurs se joignirent aux fonctionnaires et le gouvernement métropolitain aux gouverneurs. Toutes les affaires de l'État furent complètement stoppées et la confusion et tous les états du malaise entre le peuple et le gouvernement provincial en découlèrent nécessairement. Et j'ose demander : qui donc avait tort? Pouvons-nous hésiter un seul instant à déclarer que la conduite de l'Assemblée fut sage et circonspecte au plus haut degré, alors que celle du gouvernement provincial était corrompue et vicieuse? Et quant à la conduite du gouvernement métropolitain, qu'elle a été une pure folie? À titre d'exemple de la façon dont les gouverneurs envoyés de l'Angleterre ont cherché, sous la direction du Conseil exécutif, à favoriser la bonne volonté entre ce pays et ses dominions, je ne mentionnerai qu'un ou deux cas de leurs tractations avec les représentants du peuple. La Chambre sera à même d'apprécier par ces exemples la manière dont a été provoqué l'actuel échauffement de l'esprit populaire dans ces provinces. Durant l'administration de sir James Craig, certains députés de l'Assemblée ont offensé le gouverneur par des choses qu'ils ont dites en Chambre, à titre de représentants. Le gouverneur s'occupa d'une façon sommaire de ses législateurs désagréables. Il en fit arrêter cinq et les enferma dans la prison commune de Québec; et l'un d'eux, qui plus tard devint juge, y fut confiné pendant toute une année. Ils furent éventuellement relâchés de prison, incapables d'apprendre quelle était l'offense qu'ils avaient commise ou d'obtenir un procès. Que devait être, je me le demande, l'état de l'administration de la justice — quelle était l'indépendance et la droiture des juges, dans un pays où de telles choses étaient permises?

Voilà un exemple d'un type d'actions [contre les représentants]. Je vais en mentionner un autre. Durant plusieurs années les représentants du peuple se sont efforcés d'obtenir de l'Exécutif un relevé de compte des sommes d'argent en la possession du receveur général de la province. Maintenant, je demande à cette Chambre — je demande au très honorable gentilhomme de l'opposition — si cette demande n'aurait pas dû être immédiatement comblée? Si la conduite de l'Exécutif, en refusant de produire de tels relevés, en éludant les demandes de l'Assemblée, n'était pas blâmable au plus haut degré, et révélatrice d'un système d'administration corrompu et vicieux? Cette demande, toute sage, nécessaire et importante qu'elle était, fut solidement refusée par l'Exécutif; et il n'y eut de refus plus solide qu'en la personne immaculée de lord Dalhousie. Quel en a été le résultat? L'Assemblée, après avoir essuyé le refus, l'évasion et la tromperie à répétition de la part de l'Exécutif, décide de ne lever aucun nouvel impôt, et par ce moyen forcer le gouverneur à faire appel au receveur général. Le résultat ne vérifia que trop justement leurs plus sombres prévisions. Le gouverneur, se trouvant contraint de la sorte, et finalement dans l'impossibilité d'abriter son receveur général, sir John Caldwell, fit appel à lui; et l'on découvrit alors que ce serviteur de la Couronne avait disposé de 100 000l. de l'argent du peuple et était en banqueroute. Cette banqueroute a-t-elle été déclarée ensuite? A-t-on puni le fautif? Pas du tout. Il possède toujours la propriété qu'il a acquise avec l'argent du peuple; et il est, de plus, conseiller législatif, et s'est montré très actif dernièrement à abuser encore la nation même qu'il avait si impitoyablement dérobée. Durant toute l'administration de lord Dalhousie, la guerre entre l'Exécutif et les représentants du peuple s'est déroulée avec une animosité féroce et tous les moyens légaux et illégaux ont été employés pour obtenir que le revenu soit libre de tout contrôle par la Chambre d'assemblée.

Il se trouve qu'il existe plusieurs sources de revenu qui sont censées ne pas tomber sous l'emprise de la Chambre, bien que ce soit le peuple du Canada qui en réalité les fournisse. Par exemple, certains droits sont prélevés au port de Québec en vertu de lois de la législature impériale; ces droits sont entièrement soustraits à la supervision de la Chambre. Également, les biens des Jésuites sont devenus la propriété de la Couronne; ceux-ci sont donc aussi soustraits à la supervision de la Chambre; et dernièrement on a tenté de tirer un revenu par la vente de terres incultes; et tout cela est fait aux seuls fins d'échapper au contrôle des représentants du peuple. Pouvons-nous nous étonner que le peuple soit irrité de cette façon de procéder? Pouvons-nous nous étonner qu'il soit excessivement méfiant face à toutes les tentatives de la sorte? Que dirait cette Chambre si elle devait s'apercevoir que le Conseil privé et la Couronne essayent de trouver des moyens de taxer le peuple sans leur assentiment et leur contrôle? Je demande à la Chambre, et j'en appelle au très honorable Secrétaire aux colonies, si nous ne serions pas justifiés de résister à chacune de ces tentatives et à punir tous ceux qui les auraient conseillées? J'ai déjà fait remarquer que la guerre entre les deux partis s'est manifestée sous plusieurs formes; il m'est cependant impossible de toutes les décrire maintenant. Tout ce que je désire accomplir pour le moment est communiquer une représentation vive et entière du sentiment qui existe parmi les colons. Je veux que cette Chambre comprenne que cette guerre de plusieurs années a aigri tout l'esprit public — qu'elle a largement divisé le pays en deux sections hostiles, ou plutôt mortellement hostiles — que d'un côté une petite bande de personnes en poste, usant et abusant du nom de l'Angleterre, s'est battue pour la corruption; alors que de l'autre côté, un peuple entier, par leurs représentants, ont solidement insisté sur leur droit de contrôler toute la dépense et, en fait, de gouverner le pays. Je souhaite, dis-je, faire comprendre à cette Chambre que pendant des années ce pays malheureux s'est trouvé dans un état de tumulte et d'embrasement, état créé et entretenu par cette petite bande de fonctionnaires, qui, malheureusement, au moyen du Conseil législatif et avec l'aide du gouvernement métropolitain, a été en mesure de contenir le grand corps de la nation, avec ses représentants en tête.

Le hasard a malheureusement jeté sur la voie de la tribu de fonctionnaires sans scrupules un autre moyen de diviser le peuple, et par là, de renforcer leur propre pouvoir pernicieux.

Au Bas-Canada, l'immense majorité du peuple est d'extraction française; il parle la langue française et est d'obédience catholique. Incessants ont été les efforts du parti que j'ai si souvent décrit, de faire de cette différence de langue et de religion un moyen de discorde et de haine parmi le peuple. De façon à renforcer sa position, il a tout mis en œuvre pour créer un parti anglais, par opposition à un parti français, et, dans la vie privée autant que dans la vie publique — dans la législature — oui, même dans les cours de justice, il a essayé d'introduire cette cause de discorde — de vulgaire et, conséquemment, âpre animosité! Maintenant, dans l'accomplissement d'un grand devoir, en sentant profondément toute la responsabilité sous laquelle j'agis, j'accuse solennellement l'Exécutif d'avoir durant les dernières vingts années essayé de la façon la plus disgracieuse et corrompue de créer et de perpétuer la haine nationale et religieuse parmi un grand corps des sujets de Sa Majesté, et, pour les seuls fins insignifiantes et privées de ses membres, d'entretenir et de préserver parmi ceux qui doivent se voir comme des frères, quelque chose qui ressemble de près aux désastreuses calamités de la guerre civile.

Je serai bien heureux d'apprendre la façon dont on défendra, ou même tentera d'atténuer cette disgracieuse démarche. Telle était donc, Monsieur le Président, l'état de l'esprit populaire au Canada, que je n'ai certes été en mesure de décrire que bien imparfaitement, lorsque le très honorable gentilhomme vis-à-vis est devenu Secrétaire aux colonies. Il s'est trouvé cependant que le comte de Ripon, durant les cinq derniers mois de son administration à titre de Secrétaire colonial, avait commencé à se rendre compte de la situation réelle de la colonie, et avait partiellement commencé à agir d'une manière à se concilier le peuple. Ceci attisa en conséquence l'espoir chez les Canadiens que les maux dont ils souffraient depuis si longtemps étaient sur le point de disparaître; et, bien qu'ils trouvaient beaucoup de défauts dans chaque branche de l'Exécutif, dans la plus haute et la plus basse échelle, ils commencèrent à croire que, finalement, le gouvernement de l'Angleterre commençait réellement à comprendre leur condition et était animé du désir de les soulager.

C'était sur un peuple excité de la sorte par une longue oppression, et récemment animé de l'espoir de la voir se terminer, que le très honorable gentilhomme était sur le point d'exercer sa gouverne et ses conseils.

Maintenant, avant que je ne commence à décrire ce qu'il a fait, qu'on me laisse demander qu'elle conduite un homme véritablement conscient de l'état du peuple, et doté du tempérament calme et de la profonde connaissance qui doit distinguer l'homme d'État, aurait prise dans une situation aussi critique et délicate? Je pense, Monsieur le Président, avant toute chose, qu'était profondément pénétré de la condition véritable du peuple; ayant appris à connaître sa façon de sentir, ses espoirs, ses vœux; et, ayant appris à quel point il était excité, et naturellement excitable — je dis, qu'avant toute chose, il se serait abstenu d'user de tout langage susceptible de l'irriter et de le dégoûter. Sachant, qu'un peuple imprégné de sentiments démocratiques ne doit pas être poussé mais guidé vers un objet, il aurait dû en tout cas essayé de faire en sorte que « la persuasion accomplisse le travail de la peur. » Sachant, que ce peuple est dans l'habitude de rapports quotidiens avec les États-Unis, et naturellement mené à comparer leur propre état avec celui de leur bienheureux voisins, il n'aurait rien fait, s'il désirait préserver la suprématie de l'Angleterre, qui puisse mener ce peuple à envier la situation des Américains, que ce soit à l'égard des questions plus matériels du gouvernement, ou même le comportement de leurs gouverneurs. Quelque soit la posture que se donnent les dirigeants en Europe, il aurait été entièrement sensible au fait qu'en Amérique il ne doit y avoir aucune pétulance, aucune menace, aucune fanfaronnade. Il aurait par conséquent donner de sa personne l'exemple d'un décorum calme et d'un considération bienveillante respectant les souhaits et les sentiments du peuple.

Je crains, Monsieur le Président, que la conduite du très-honorable Secrétaire ressemble peu à celle que je viens de décrire. Il a pris les manières et le ton du dictateur; il s'est attribué le rôle du maître; et il s'est comporté avec un peuple méfiant et alerte comme s'il était disposé à obéir au moindre signe du maître et par une abjecte soumission prêt à s'incliner devant la suprématie de ses décrets. Il a insulté les représentants du peuple — il les a menacé de coercition — il leur a lancé sa détermination de maintenir la suprématie monarchique — et il a si fermement insisté sur le maintien intégral de la prérogative du roi, qu'il a sérieusement mis en danger toutes les prérogatives et a rendu douteux que le pouvoir de l'Angleterre puisse être maintenu ne serait-ce que quelques années encore.

L'on pourrait me demander, Monsieur le Président, une preuve de ces affirmations; la preuve est disponible — dans l'opinion du peuple lui-même par la voix de ses représentants. Qu'il ne soit pas dit que l'opinion exprimée par la Chambre d'assemblée est insuffisante sur cette question. C'était l'affaire du très-honorable gentilhomme de se conduire de façon à gagner la faveur et l'estime du peuple qu'il gouvernait. Le fait que loin de gagner ses bonnes grâces il l'a conduit à se déclarer formellement et ouvertement hostile à son endroit et à celui de l'Exécutif sous sa férule, est une preuve accablante de son incapacité à accomplir la tâche qu'il avait entreprise.

Cette Chambre est sans aucun doute au courant que la Chambre d'assemblée du Bas-Canada a formellement rompu toute communication avec l'Exécutif; qu'elle a résolu de mettre en accusation lord Aylmer, le gouverneur-général, qui obéit aux ordres du très-honorable Secrétaire; et qu'elle a effacé de son journal les dépêches du très-honorable Secrétaire, les jugeant si insultantes et dérogatoires envers la dignité et l'honneur des représentants du peuple qu'elles ne méritaient pas de rester au journal. La Chambre a adopté les résolutions suivantes :

"Qu'au milieu de ces désordres et de ces souffrances, cette chambre, et le peuple qu'elle représente, avaient toujours nourri l'espérance et professé la foi, que le gouvernement de Sa Majesté, en Angleterre, ne participait pas sciemment et volontairement à la démoralisation politique de ses agents et employés coloniaux; et que c'est avec étonnement et douleur, qu'ils ont vu dans les extraits des dépêches du secrétaire colonial, communiqués par le gouverneur en chef durant la présente session, que l'un des membres, au moins, du gouvernement de Sa Majesté, est animé contre eux de sentiments de prévention et d'animosité, et enclin à des projets d'oppression et de vengeance, peu propres à changer un système abusif, dont la continuation découragerait tout-à-fait le peuple, lui enlèverait l'espoir légitime de bonheur, qu'il tire de son titre de sujets britanniques, et le mettrait dans la dure alternative de se soumettre à un servage ignominieux, ou de voir en danger les liens qui l'unissent à la mère-patrie."

Tel est le langage que tient le corps des représentants — et qu'en tant que tel je considère comme une preuve suffisante du manque de considération et de l'imprudence extrême du très-honorable Secrétaire. Mais il pourrait m'être demandé, quelles sont les circonstances qui ont mené à ce résultat déplorable? J'en ferai état brièvement; et en priant la Chambre de garder à l'esprit l'état d'agitation du peuple, sa position politique et géographique particulière, je ne doute pas qu'il apparaîtra évident que la conduite qui a été adoptée était éminemment propre à mener à ce si désastreux résultat.

Avant que je ne mentionne les circonstances qui, sous la direction du très-honorable Secrétaire, ont produit ces résultats, je dois faire allusion à un événement qui s'est produit l'avant-dernière année; et qui, bien qu'en aucune façon attribuable au gouvernement du très-honorable gentilhomme, exaspère le peuple et accroît sa méfiance.

Au cours d'une élection dans la ville de Montréal, une émeute s'est produite et trois innocents Canadiens, trois personnes en aucune façon impliquée dans le déroulement des élections, ont été abattues par les militaires. Maintenant, un tel événement pourrait bien ne produire aucune sensation en Irlande; mais dans n'importe laquelle des communautés bien organisées de l'Amérique, il était calculé pour exciter les sentiments de peine et d'alarme les plus profonds. Le peuple, généralement, y est fortement lié par les liens de parenté; les habitants y vivent dans un état de bonheur et de confort; ils sont sérieux, calmes et leurs vies sont tranquilles et bien organisées. Un tel événement causa donc du regret et dissémina la consternation dans toutes les parties de la province. Je n'ai pas l'intention d'exprimer aucune opinion sur le cas en question; c'est-à-dire, la question de savoir si les officiers et soldats étaient ou n'étaient pas coupables de meurtre; mais je désire ardemment attiré l'attention de la Chambre sur les événements qui succédèrent à ce calamiteux incident, et l'implorer d'observer à quel point ils étaient bien calculés pour dégoûter et agiter le peuple. Certains des officiers qui commandaient étaient présumés coupables par l'ensemble du peuple; et il était nécessaire de leur faire subir un procès. Dans ce pays, le procureur général et le solliciteur général exercent la fonction d'accusateur public et possèdent ou du moins réclament le privilège exclusif de traduire en justice tous les délits commis contre la Couronne. Mais dans cette affaire il était notoire que des officiers de loi avaient été envoyés de Québec pour protéger les officiers, pour employer leur compétences juridiques afin de les sortir de la difficulté dans laquelle ils se trouvaient. Les personnes qui croyaient en la culpabilité des officiers cherchèrent à obtenir l'aide d'un avocat pour faire avancer la poursuite, en dépit des officiers de loi que l'on croyait partiaux; cette requête leur fut refusée; et l'on dit maintenant parmi le peuple déçu (justement ou injustement, je ne saurais maintenant le dire) que les officiers militaires ont échappé au procès parce que les officiers de loi les ont favorisés. Le grand jury (qu'on dit avoir été constitué arbitrairement) ignora les bills; et ensuite le gouverneur, en opposition directe avec le sentiment populaire, émit un ordre général, félicitant les officiers et les soldats qui ont tués les innocents passants. L'esprit public a été enflammé par ce geste; et la Chambre d'assemblée a passé beaucoup de temps durant la dernière session à effectuer une enquête sur cette affaire et la publication de la preuve déposée en Chambre n'a pas peu fait pour accroître l'exaspération du peuple et empirer leur sentiment de méfiance à l'endroit de l'Exécutif et du Judiciaire.

Tandis que le public se trouvait de la sorte dans un état de fermentation en raison de ces diverses causes, le très-honorable Secrétaire entra en fonction. La première affaire dans laquelle il a grandement offensé le peuple de la province est celle en rapport avec l'adresse de la Chambre d'assemblée concernant le Conseil législatif. Quiconque a réfléchi sur la composition de ce Conseil doit admettre d'emblée qu'elle est dans sa constitution actuelle mauvaise et absurde au plus haut point. Plusieurs autorités abondant dans ce sens peuvent être citées et parmi celles-ci on trouve l'opinion du comité que cette Chambre a nommé pour enquêter sur l'état de la province. Il y a aussi une autre autorité qui emploie ces mots concernant le Conseil législatif.

« Jusqu'à quel point le Conseil a mal accompli son travail, la Chambre peut en juger d'après les papiers déposés devant elle. Les membres de ce Conseil se sont en toute occasion rangés du côté du gouvernement et contre le peuple; ils ont formé un épais voile entre le gouvernement et le peuple; ils n'ont ni poussé le peuple d'un côté, ni attiré le gouvernement de l'autre; mais ils ont permis à l'un d'entretenir la guerre contre l'autre, ils étaient le moyen de soutenir la discorde et la controverse de façon continue entre le gouvernement et le peuple. Ce Conseil était la racine de tous les maux qui s'étaient produits dans l'administration durant les dix ou quinze dernière années. - Hansard (new series) xix. p. 337. »

La Chambre sait peut-être que ces mots ont été prononcés par le très-honorable Secrétaire en 1828, alors qu'il se trouvait dans l'opposition. Mais je ne m'appuierai pas sur cette opinion. Je n'y attache assurément pas beaucoup d'importance; et j'ose dire que le très-honorable Secrétaire a trouvé un motif en cette occasion, comme en plusieurs autres, pour se repentir des expressions irréfléchies et imprudentes qu'il a déjà employées. Il doit cependant garder à l'esprit que le monde au delà des portes de la Chambre ne sont pas toujours en mesure d'aussi bien juger de la valeur de ses opinions. Le peuple, malheureusement, peut croire que ces expressions sont le résultat d'une réflexion profonde et qu'elles procèdent d'un désir de promouvoir les meilleurs intérêts du peuple, mais qui ne sont, en fait, que des paroles en l'air; et dont l'objectif n'est autre que de déranger le gouvernement en place. Le peuple, éblouit par son rang et son nom, pourrait s'imaginer que ses opinions ont de l'importance et découlent d'une profonde conviction sur les effets néfastes de l'institution en question, alors que lui n'y tient pas du tout, estimant qu'elles ne sont que l'expression imprudente d'une jeunesse inconsidérée ou les lieux communs d'un partisan bien préparé. En accord avec le très-honorable gentilhomme, je me contente donc de rejeter son opinion, car elle ne mérite pas qu'on en tienne compte. Mais, néanmoins, il ne ne doit pas se surprendre si le monde ainsi trompé l'accuse de tergiversation — l'accuse de défendre certaines opinions alors qu'il n'est pas en poste, et certaines autres une fois qu'il y est admis. Il est cependant arrivé que les personnes les plus aptes à former un jugement correcte sur cette question aient exprimé une opinion qui coïncide avec celle du très-honorable gentilhomme. Ils ont également vu que le Conseil législatif était la partie malfaisante et défectueuse de la Constitution; et voyant cela et ressentant réellement ces effets pervers, la Chambre d'assemblée chercha à effectuer des changements dans la composition de ce corps nuisible; et ce faisant, doit il être rappelé, elle n'a fait que suivre les recommandations du Comité nommé par cette Chambre en 1828.

Mais, Monsieur le Président, le très-honorable Secrétaire pourrait objecter qu'il n'y avait aucun besoin d'altérer ce corps puisque le gouvernement a déjà, en conformité avec l'opinion du Comité, essentiellement altéré la composition du Conseil législatif, en y faisant appeler plusieurs personnes qui résident dans la colonie. Je vais anticiper cette objection en affirmant que ce changement n'en a été un qu'en apparence et non pour le mieux. Les maux dont on se plaignait concernant la composition du Conseil législatif étaient que ce corps, tel qu'alors constitué, avait des intérêts diamétralement opposés à ceux du peuple — que ses membres n'étaient liés à celui-ci ni par la naissance, ni par prédilection, ni par la propriété et l'objectif de la Chambre d'assemblée était de faire en sorte qu'ils le soient. Le gouvernement, il est vrai, a promu certaines personnes au Conseil législatif; mais les déterminations de ce corps, il le savait bien, resteraient exactement les mêmes qu'avant. Mais ce qu'il savait le peuple le savait également — et le sachant il fut dégoûté; il voyait qu'on se jouait de lui. Ce peuple est sagace et pratique — c'est un peuple franc et direct — qu'on ne dupe pas par un artifice aussi vulgaire. Je me permettrai d'importuner la Chambre en lui communiquant l'opinion de la Chambre d'assemblée sur les soi-disant améliorations apportées au Conseil législatif.

[L'hon. député fit la lecture de certaines résolutions de la Chambre d'assemblée par lesquelles ils condamnaient en des termes très sévères le Conseil législatif, dans sa composition actuelle.]

En accord avec les opinions exprimées dans cette dernière résolution, la Chambre d'assemblée proposa au très-honorable Secrétaire, par l'intermédiaire du gouverneur, qu'en vue d'apprendre quels étaient les véritables souhaits du peuple, un corps de personnes élus par le peuple devrait être convié afin d'adopter une résolution sur cette seule question — soit, l'altération qu'il désire effectuer au Conseil législatif. Ce plan fut proposé — premièrement, pour apprendre précisément les opinions du peuple — un certain parti dans le pays ayant affirmé que la masse du peuple ne désirait aucun changement; deuxièmement, pour s'assurer d'un examen paisible et délibéré sur cette question d'importance. Car, les représentants dans ce cas ne seraient chargés d'étudier qu'une seule question, et investis d'une responsabilité très sérieuse, on croyait qu'ils seraient plus susceptibles d'y porter une attention particulière et entière. Et ce corps qu'on se proposait de réunir à l'initiative d'une personne ou d'une autre fut malheureusement désigné sous le vocable de « Convention ». Le très-honorable Secrétaire en parla immédiatement comme d'une « Convention nationale », et sans délai se mirent à danser dans son imagination le souvenir de la Révolution française et l'année désastreuse de 93 — et Gensonné, Guadet, et Louvet, Robespierre, Danton, et tous les chefs révolutionnaires de cette période et de ses méfaits envahirent son esprit, et, dans l'agonie de la terreur et de l'indignation, il écrivit la piquante dépêche suivante à lord Aylmer concernant la proposition de la Chambre d'assemblée.

"J'ai également transmis au roi les adresses de la Chambre d'assemblée. Je ne peux relayer ce document sans émettre une observation. L'objet de cette adresse prier Sa Majesté de sanctionner une convention nationale du peuple du Canada, afin de supplanter les autorités législatives, et de délibérer sur la question de savoir au moyen duquel des deux modes qu'elle propose la constitution du Bas-Canada doit être entièrement détruite; par l'introduction du principe électif, ou par l'abolition totale du Conseil législatif.

Concernant les deux modes proposés, Sa Majesté ne peut certainement pas y accorder d'importance; quant à l'objet poursuivi, on ne saurait conseiller à Sa Majesté d'y consentir, puisqu'il est en contradiction avec l'existence même des institutions monarchiques. Sa Majesté sera par contre encline à sanctionner des mesures pouvant mieux garantir l'indépendance et hausser le caractère du Conseil législatif. En 1828, un Comité de la Chambre des Communes a soigneusement enquêté sur les griefs allégués des habitants des Canadas, et parmi ceux-ci la constitution du Conseil législatif a été débattue sérieusement. Le comité rapporta qu'un des plus importants sujets sur lesquels l'enquête avait porté était l'état du Conseil législatif dans les deux Canadas et la manière dont il avait rempli les tâches pour lesquelles il avait été institué. Le comité recommanda fortement qu'on leur donne le caractère d'une plus grande indépendance; que la majorité de leurs membres ne devraient pas être des personnes tenant des postes au bon plaisir de la Couronne; et que toute mesure tendant à lier plus intimement cette branche de la constitution aux intérêts des colonies présenterait de grands avantages. Concernant les juges, à l'exception uniquement du juge en chef, dont la présence pourrait être occasionnellement nécessaire, le comité n'a aucun doute qu'ils seraient mieux qu'ils ne s'impliquent pas dans les affaires politiques de la Chambre. Un examen de la constitution de ce corps, aujourd'hui comme hier, suffira à montrer avec quel esprit le gouvernement de Sa Majesté s'est efforcé d'accomplir les volontés du Parlement. La Chambre d'assemblée a affirmé avec justesse qu'elle a souvent fait l'aveu que le peuple du Canada ne devrait jamais rien voir dans les institutions des pays voisins qui lui fasse envie. Je n'ai pas été informé que les sujets de Sa Majesté au Canada éprouvent actuellement de tels sentiments ou qu'ils désirent copier dans un gouvernement monarchique toutes les institutions d'une République, ou d'avoir un semblant d'exécutif, dont l'existence dépende entièrement d'un corps populaire usurpant toute l'autorité de l'État. Je ne suis pas prêt à conseiller à Sa Majesté qu'elle recommande au Parlement un geste aussi sérieux que l'abrogation de la Loi de 1791, par laquelle les institutions du pays ont été conférées séparément aux provinces du Haut et du Bas-Canada. Aussi sérieuses que puisse être les difficultés dont est assaillie l'administration de votre seigneurie, elles ne sont pas encore telles que je soi incité à désespérer du fonctionnement pratique de la constitution britannique; mais si les événements devaient malheureusement imposer au Parlement l'exercice de son autorité suprême de composer avec les dissensions internes des colonies, il serait de mon devoir, en tant que serviteur de la Couronne, de soumettre au Parlement des modifications à la charte des Canadas qui tendraient non pas à introduire des institutions incompatibles avec le gouvernement monarchique, mais à maintenir et renforcer la connexion avec la mère-patrie, par l'adhérence stricte à l'esprit de la constitution britannique, et en conservant, à leur place respective, à l'intérieur des limites convenables, les droits et privilèges mutuels de toutes les classes des sujets de Sa Majesté."

Je prierais maintenant la Chambre de peser cette matière plus soigneusement que ne l'a fait le très-honorable gentilhomme, et de tâcher d'apprendre comment la monarchie et les institutions monarchiques doivent être détruites par la simple et, je le crois, judicieuse méthode suggérée par la Chambre d'assemblée. Il semble que la Chambre des Communes, elle-même sensée être un corps démocratique, propose que des altérations soient faites dans une certaine partie du gouvernement provincial — mais quelles sont ces altérations, cependant, elle ne le dit pas. Et bien, alors, afin d'apprendre quelles devraient être ces altérations, la Chambre d'assemblée propose qu'afin de suggérer les changements requis, un corps de personnes soit élu par ceux qui sont les plus intéressés par la question, et par ceux qui sont assurément les mieux placés pour juger des besoins et des désirs du peuple; à savoir le peuple lui-même. Qui a-t-il de contraire à la monarchie là dedans? La Chambre d'assemblée n'a jamais cherché à faire de ce corps élu une Assemblée législative souveraine — on ne désirait pas qu'elle supplante le Roi, les Lords et les Communes; on prévoyait qu'elle donne à la Législature impériale le meilleur moyen d'apprendre les vœux du peuple et ses besoins réels en matière de gouvernement.

Ceci, je l'affirme encore, était une démarche sage et prévenante et en aucune façon ne méritait le blâme et les reproches que le très honorable Secrétaire a hasardé de façon imprudente. Mais supposons pour un instant que ce plan n'eût pas été sage? Que devons-nous penser du ton et de la manière de la dépêche qui le condamnait? Le très honorable Secrétaire a-t-il songé un instant qu'il devait bien être au courant que le peuple du Canada ne copiait pas la France révolutionnaire, mais l'Amérique paisible et bien gouvernée. Il se serait rappelé que presque tous les jours aux États-Unis des corps sont élus de la sorte pour prendre une décision sur des questions particulières, et que le peuple du Canada n'a rien fait d'autre que de suivre un plan qui, de l'autre côté de la frontière, est suivi par le peuple le plus sagace et le mieux gouverné de la terre. S'il eût agit sagement et calmement, et qu'il eût été en désaccord avec la Chambre d'assemblée, n'aurait-il pas exprimé sa différence d'opinion dans un langage plus tempéré — fait état des raisons de sa différence d'opinion — et fait connaître ce qui selon lui semblait un meilleur plan? Mais il n'a rien fait de tout cela. Il a immédiatement et sans détour accusé tout le corps des représentants, qui agissait dans l'exercice solennel de son devoir sacré, de vouloir renverser la constitution du pays. Il a accusé les représentants de désirer introduire des mesures républicaines, comme si par cette épithète il condamnait immédiatement le plan proposé, et ensuite, sans autres forme de procès, il les a violemment menacé d'une seconde édition de son Coercion Bill irlandais. Il est futile d'approfondir le sujet. Nous savons très bien ce qu'il voulait signifier par cette phrase. Elle signifiait des menaces — celle de changer la forme de leur gouvernement — celle de retirer des pouvoirs à la branche populaire de la législature; — et pourquoi ce méchant langage a-t-il été employé? Simplement parce que la Chambre d'assemblée a proposé une façon d'apprendre quels sont les désirs et les besoins du peuple, ce qui était désagréable au très honorable Secrétaire.

Quel a été, Monsieur le Président, la réponse de la Chambre d'assemblée à cette menace impétueuse et inconsidérée. Exactement telle que quiconque connaît les Canadiens devait s'y attendre — exactement telle que n'importe quel corps fougueux l'aurait donnée; et, en ce qui me concerne, eurent-ils réagit autrement, je les auraient méprisés et ils n'auraient pas eu la sympathie que je leur donne maintenant. Leur réponse a été la suivante :

"Que c'est l'opinion de ce comité, que cette Chambre et le peuple qu'elle représente, ne veulent ni ne prétendent menacer; mais qu'appuyés sur les principes des lois et de la justice, ils sont et doivent être politiquement assez forts pour n'être exposés à l'insulte d'aucun homme, quel qu'il soit, et tenus de le souffrir en silence; que dans leur style les dits extraits de dépêches du secrétaire colonial, tels que communiqués à cette Chambre, sont insultants et inconsidérés, à un degré tel, que nul corps constitué par la loi, même pour des fins infiniment subordonnées à celle de la législation, ne pourrait ni ne devrait les tolérer; qu'on n'en trouve aucun exemple, même de la part des moins amis des droits des colonies, d'entre ses prédécesseurs en office; que dans leur substance les dites dépêches sont incompatibles avec les droits et les privilèges de cette Chambre, qui ne doivent ni être mis en question, ni définis par le secrétaire colonial, mais qui, selon que les occasions le requerront, seront successivement promulgués et mis en force par cette Chambre.

Que c'est l'opinion de ce comité, qu'à l'occasion des termes suivants d'une des dites dépêches: "si les événements venaient malheureusement à forcer le parlement à exercer son autorité suprême, afin d'apaiser les dissensions intestines des colonies, mon objet, ainsi que mon devoir, seraient de soumettre au Parlement telles modifications à la charte des Canadas, qui pourraient tendre, non pas à introduire des institutions qui sont incompatibles avec l'existence d'un gouvernement monarchique, mais dont l'effet serait de maintenir et de cimenter l'union avec la mère-patrie, en adhérant strictement à l'esprit de la constitution britannique, et en maintenant dans leurs véritables attributions, et dans les bornes convenables, les droits et les privilèges mutuels de toutes les classes de Sa Majesté;" s'ils comportent quelque menace de modifier, autrement que ne le demande la majorité du peuple de cette province, dont les sentiments ne peuvent être légitimement exprimés par aucune autre autorité, que celle de ses représentants, cette Chambre croirait manquer au peuple anglais, si elle hésitait à lui faire remarquer que, sous moins de vingt ans, la population des États-Unis d'Amérique sera aussi ou plus grande que celle de la Grande-Bretagne; que celle de l'Amérique anglaise sera aussi ou plus grande, que ne le fut celle des ci-devant colonies anglaises, lorsqu'elles jugèrent que le temps était venu de décider, que l'avantage inappréciable de se gouverner, au lieu d'être gouvernées, devait les engager à répudier un régime colonial, qui fut, généralement parlant, beaucoup meilleur que ne l'est aujourd'hui celui de l'Amérique anglaise."

Mais, dit le très honorable Secrétaire, ils avaient une intention républicaine en vue; ils voulaient détruire le caractère monarchique de la constitution, en proposant de faire élire le Conseil législatif par le peuple; De le rendre, en fait, semblable à ces sénats républicains que l'on trouve dans la constitution des États-Unis. Apprenons quelle est la valeur de ce tollé général. Je ferai observer cependant que personnellement, à titre de remarque préliminaire, je ne préconise pas un Conseil électif — le bicaméralisme étant, il me semble, un dispositif peu commode — une façon d'accroître les défauts naturels des corps législatifs en multipliant le nombre des personnes qui les composent. Le Conseil, à mes yeux, est une nuisance; et la manière dont je dispose d'une nuisance est simplement de l'abattre — en d'autres mots, de l'abolir entièrement. J'abolirais le Conseil législatif et je n'installerais rien à sa place, ne laissant que le gouverneur et la Chambre d'assemblée. Il semble cependant que certaines personnes ont proposé un Conseil électif et de là la peur qui a surgit à propos de la monarchie. Laissez moi demander au très honorable gentilhomme si la monarchie est d'une nature telle qu'elle doive nécessairement imposer une nuisance au peuple. Est-ce qu'une seconde branche de la législative mal constituée est nécessaire à la conservation de la monarchie? parce que, si c'est le cas, je tiens à rencontrer le très honorable Secrétaire immédiatement pour lui dire que le plus rapidement l'un et l'autre seront abolis, le mieux ce sera. Si nous ne pouvons maintenir notre domination sur nos colonies sans maintenir également un fléau, alors notre domination est une malédiction; et si le peuple est sage, il se débarrassera de nous et du Conseil législatif en même temps.

Mais, Monsieur le le Président, j'affirme qu'il n'est pas nécessaire de faire cela. Je présume que le gouvernement de l'Angleterre n'a pas d'intention hostile envers l'intérêt du peuple de la colonie. Je présume aussi que les députés de la Chambre d'assemblée sauront reconnaître et s'efforceront d'obtenir ce qui favorisera au mieux le bien-être de leurs constituants; donc, je conclus que les vœux du gouvernement anglais et ceux de la Chambre d'assemblée seront nécessairement identiques. Que, pour maintenir une domination bienfaisante, une institution malfaisante comme l'est le Conseil législatif est tout à fait inutile; qu'elle ne sert qu'à faire le mal et qu'elle est encombrante même lorsqu'elle agit le plus sagement. Y a-t-il quelqu'un qui croit que notre domination sur les Canadas est préservée par une bande de vieillards malfaisants qui pris ensembles s'appellent le Conseil législatif? L'autorité du gouverneur n'est pas renforcée par ces hommes; — il ne serait pas plus faible en réalité si le Conseil était aboli demain. En quoi, alors, j'aimerais bien le savoir, ce corps est-il nécessaire à la monarchie?

Mais, il pourrait être dit, que de permettre que deux corps de la législature soient désignés par le peuple c'est rendre le pouvoir du peuple suprême. En réponse à cela, je demande — désirez-vous quelque chose d'autre que ce que le peuple désire? Si c'est le cas, vous cherchez à établir un mauvais gouvernement. Si c'est cela que vous voulez, dans ce cas vous rendez identique le mauvais gouvernement et la monarchie. Moi, qui ai une meilleure opinion des intentions du gouvernement anglais, je présume qu'il souhaite ce que le peuple souhaite, et que, souhaitant cela, il agira en harmonie avec les représentants du peuple, qu'ils siègent dans deux chambres ou une seule. Par conséquent, je pense que la proposition d'un Conseil électif n'est en aucune façon contraire aux institutions monarchiques; et qu'elle ne vise qu'à établir une bonne institution là où il y en a une qui est pernicieuse.

Le très honorable Secrétaire, cependant, ne s'est pas contenté de simplement déclarer la guerre à l'Assemblée. Il a pris soin de se disputer avec elle sur une question qui a trait à ses privilèges parlementaires. La Chambre d'assemblée prend soin d'imiter les procédure de la Chambre des Communes; et, pour s'assurer de la pureté et de l'indépendance des députés, elle a résolu de prendre la même précaution que la Chambre des Communes a elle-même prise. En l'année 1680, la Chambre a adopté la résolution suivante :

"Qu'aucun membre de cette Chambre ne devra accepter de poste ou de place de profit de la Couronne sans avoir pris congé de cette Chambre, ou de promesse de tout poste ou place de profit tant qu'il sera député de cette Chambre. Résolu, que tous ceux qui contreviendront à cette règle seront expulsés de la Chambre."

La Chambre d'assemblée, imitant la Chambre des Communes, résolu que tout député qui accepterait une place se devrait de libérer son siège, et par cela elle a rendu sa constitution similaire à la nôtre. Quelques temps après l'adoption du règlement, M. Mondelet, député, accepta un poste; et la Chambre déclara qu'il avait par conséquent libéré son siège et en appela au gouverneur pour qu'il décrète la tenue d'une élection partielle dans le comté de Montréal. Le gouverneur refusa et fit rapport de ce refus au très honorable Secrétaire, qui par la suite lui répondit dans une dépêche qu'il approuvait son refus d'apposer son nom au bas du décret pour l'élection dans Montréal.

[Le très honorable député fit la lecture de la dépêche.]

Il est bien évident que le très honorable Secrétaire était remarquablement dans l'erreur lors qu'il affirmait que la Chambre des Communes ne s'était elle-même jamais arrogée un tel pouvoir. Je viens de citer un tel précédent en exemple; et cette preuve de sa propre faillibilité l'amènera j'espère à juger les autres avec plus de douceur. Le ton de cette dépêche, comme de celle que j'ai lu précédemment, est au plus haut point indigne de quiconque se réclame du caractère d'un homme d'État. Cette comparaison méprisante de la sagesse et de la prudence de la Chambre des Communes et de la Chambre d'assemblée était plus appropriée à la critique irrévérencieuse d'une revue qu'à un document officiel émanant d'un haut-fonctionnaire; et cette comparaison est aussi faite en faveur d'un corps qui a adopté, nemine contradicente, la résolution que j'ai déjà citée, qui a expulsé Wilkes et qui douze ans plus tard a retiré de ses journaux la mention de cette expulsion. Il semble certain que le très honorable Secrétaire devrait étudier l'histoire de notre pays avec un peu plus d'attention et apprendre à éviter les affirmations hâtives et catégoriques en constatant qu'il s'est trompé à ce point. Mais quelle réponse l'Assemblée a-t-elle donnée à cette dépêche? Une réponse en opposition directe aux assertions du très-honorable gentilhomme.

[Le très honorable député cita quelques autres résolutions de la Chambre d'assemblée.]

Le résultat, donc, de toute cette imprudence de la part du très honorable gentilhomme est que la province se trouve actuellement sans gouvernement. Les trois corps de la législature sont en guerre ouverte et ils ne communiquent plus entre eux. Dans l'Exécutif le gouverneur est sans pouvoir car aucune somme public n'a été autorisée; et en outre le gouverneur a totalement perdu la confiance du peuple. En plus de tout ça, toute la province regarde le Judiciaire d'un œil soupçonneux; de sorte que dans les faits l'administration de la justice est au neutre.

Et maintenant, Monsieur le Président, parmi tout ce désordre, que devons-nous faire? Le très honorable Secrétaire a refusé le plan proposé par la Chambre d'assemblée; et par ses démarches dans l'ensemble, lui et son fonctionnaire, le gouverneur, ont embrasé le pays. Une révolution (je ne le cacherai pas à la Chambre) est à portée de main; ce qui amène la question suivante — que doit faire la Chambre des Communes? N'est-il pas grand temps, je le demande, de faire une enquête minutieuse de cette affaire, et de fournir au peuple les moyens de redresser les torts — et à l'Exécutif les moyens de se justifier? N'est-ce pas le comble de la folie que de permettre à la confusion actuelle de perdurer, sans faire enquête pour apprendre si la Chambre des Communes est d'accord avec les opinions que j'ai exprimées concernant la conduite des gouvernements métropolitain et colonial?

Alors, je pense avoir fait un plaidoyer suffisant pour que la Chambre m'accorde le comité que je demande. J'ai montré, hors de tout doute, que sagement ou non, là n'est pas la question, les provinces sont dans un état qui s'approche de la révolution. J'ai expliqué que la cause de cette agitation est la croyance qui existe dans l'esprit du peuple des colonies que leur gouvernement est mauvais. J'ai montré comment les habitants des colonies doivent nécessairement en venir à comparer leur situation avec celle des républiques américaines; et conséquemment, qu'il est absolument nécessaire, si nous désirons conserver notre domination pacifique sur elles, de donner aux colons toutes les chances d'exprimer leurs plaintes et de chercher à redresser leur griefs présumés par l'intervention immédiate de la législature impériale.

Pour ces raisons, Monsieur le Président, j'affirme que si nous sommes mus par les diktats d'une politique sensé et bienveillante, nous ne devons pas hésiter à accorder le comité que je demande et permettre au peuple d'y faire entendre ses plaintes d'une façon directe et franche. Conséquemment j'espère que peu importe ce que le très honorable Secrétaire aura à dire en cette occasion, il ne s'opposera pas à la résolution avec laquelle je prévois conclure mon intervention.

Avant de mettre fin aux observations que j'ai jugé de mon devoir d'exprimer, j'aimerais faire solennellement appel à la prudence du très honorable gentilhomme, dont les opinions vont, je le sais, guider la décision de cette Chambre. Je sollicite de sa part qu'il réfléchisse aux conséquences qui suivraient une impétueuse déclaration d'hostilité; et je le supplie sincèrement d'écouter les voix d'une politique calme et sensé plutôt que les dangereuses impulsions d'un tempérament impétueux. Qu'il se rappelle que la grande République d'Amérique, qui grouille de citoyens — aventureux, guerriers et sagaces — est le proche voisin de nos sujets Canadiens; que treize millions de Républicains enthousiastes observeront avec fort intérêt et des visées égoïstes, tout conflit qui éclatera entre les colonies et la mère-patrie. Qu'il soit assuré également que si une rupture se produit entre nous, les colonies demanderont et indubitablement recevront l'aide de leurs voisins tout-puissants. Et à quelle condition cette aide sera-t-elle apportée? Mais à une seule condition : que les Canadiens se joignent à la grande République fédérale. Et quand cet événement se sera produit, qui est celui ne tremblera pas pour le sort de l'Angleterre en mesurant les vastes possessions de cette déjà trop formidable puissance. Ses territoires s'étendront du pôle nord jusqu'à la mer du Mexique — de l'Atlantique au Pacifique. Avec une côte sans égale sur toute l'étendue du globe habitable — avec des sages et bienfaisantes institutions — avec un peuple bien instruit et sage, comment pourrons-nous mettre un frein à son pouvoir? — quel obstacle pourrons-nous opposer à son écrasante force? Les flottes de l'Angleterre seront réduites à l'insignifiance, — sa suprématie navale cessera et elle sera confinée à obéir servilement à sa progéniture transatlantique. Il n'est pas très loin le jour où nous verrons une telle prophétie se réaliser si nous conduisons imprudemment les provinces du Canada à la rébellion.

Par contre, si nous cédons aux vœux des Canadiens, il se peut que nous puissions encore les unir à nous par le doux mais ferme lien de l'amitié — favoriser le développement d'une puissance qui s'opposera à la force gigantesque de l'Amérique et ériger dans les territoires les plus au nord sur cet heureux continent une rivale des États-Unis en fait de force, de commerce et de bonheur. Une action paisible — une sage conciliation — aura cette effet. Tout mépris impétueux et irréfléchie de leurs désirs fera renaître les jours désastreux de 1774; et les colonies d'aujourd'hui, comme celles d'hier, se proclameront, l'arme à la main, indépendantes de notre autorité. Malheur au ministre qui nous conduirait à ce résultat!

[Le très honorable député conclut en proposant « la nomination d'un comité spécial pour faire enquête sur les moyens à prendre afin de remédier aux maux qui existent dans la forme des gouvernements du Haut et du Bas-Canada.]