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Van Dyck (Fierens-Gevaert)/02

La bibliothèque libre.
Henri Laurens, éditeur (Les Grands Artistes) (p. 7-11).


II. — Les historiens du Maître.

Il est impossible de retracer exactement la vie du grand portraitiste. Comme il est arrivé pour tous les maîtres, ses premiers biographes enregistrèrent avec plus d’empressement des légendes sans fondement que des événements véridiques. Étonnerai-je en disant que la lecture de ces « légendaires » est plus captivante que celle des critiques d’aujourd’hui ? Vraie ou quelque peu déguisée, la figure de l’artiste est vivante au moins dans leurs récits. Rien n’est gracieux comme les charmantes historiettes racontées par Bellori, l’auteur des pénétrantes Vite de Pittori ; par Houbraken et Weyerman toujours aux écoutes dans les intérieurs d’artistes et consignant les moindres anecdotes ; par Descamps, dont la littérature baroque est une vaste encyclopédie des commérages d’atelier ; par le naïf Mensaert qui croyait à toutes les intrigues galantes mises au compte de Van Dyck et décrivait toutefois avec un charme communicatif les œuvres religieuses du maître conservées dans les Pays-Bas.

La critique moderne, représentée tout d’abord par un anonyme dont le manuscrit est conservé au Louvre et par un érudit flamand, Mols, mort à Anvers en 1790, dirigea pour la première fois sa lumière sur ces chroniques, à la fin du XVIIIe siècle. Successivement parurent les travaux de M. Carpenter qui éclaircirent le séjour de Van Dyck en Angleterre, l’Abecedario de Mariette avec ses précieuses notes sur les dessins et les estampes du maître, l’excellente étude de Wibiral sur les eaux-fortes, le Catalogue raisonné de Smith, puis les volumes de Michiels, de Guiffrey, les documents, notices, études, de Percy Rendall Head, Carl Lemcke, Waagen, Duplessis et, en Belgique, les publications de MM. Hymans, Max Rooses, Fétis, Génard, Siret, Pinchart, Van den Branden, etc.

Je pourrais allonger cette liste. L’érudition contemporaine s’enorgueillit d’avoir débarrassé la figure de Van Dyck de quelques « vapeurs malsaines » ; elle a créé, en revanche, un remarquable labyrinthe d’hypothèses autour de cette jolie mémoire de peintre princier. J’en ai parcouru avec patience les moindres détours. Il y pénètre peu d’air et de lumière. La micrographie historique n’a pu fixer que d’une manière incertaine les grandes étapes de cette carrière. On n’est d’accord que sur certaines dates fournies presque toutes par M. Carpenter. Pour reconstituer la physionomie intime et publique du grand peintre, il faut se tourner bien souvent vers les premiers biographes, ou, ce qui vaut mieux, demander aux œuvres le secret de leur jeunesse et de leur beauté.


PORTRAIT DU JEUNE VAN DYCK
(Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.)