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Vengeance fatale/VI — Dernier refuge

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La Cie d'Imprimerie Desaulniers, Éditeurs (p. 153-155).

VI

dernier refuge.


On pouvait croire qu’Hortense aurait eu un évanouissement, mais Mathilde accourut pour la recevoir dans ses bras.

— Mathilde, dit Hortense à celle qu’elle avait toujours considérée comme sa sœur, je te demande pardon de t’avoir appelée ma sœur, du moment que j’apprends que nous ne sommes pas parentes, mais sois persuadée que si je ne suis pas ta sœur effectivement, j’aurais été digne de l’être !

Puis s’adressant à Darcy : — Pardon, monsieur, ayant toujours ignoré…

— Va, folle que tu es, reprit celui-ci, tu n’as aucun pardon à me demander. J’ai laissé brûler ta mère dans une maison où j’avais moi-même allumé l’incendie, ma fortune que j’ai volée appartenait à ton père, et si, toi-même, tu as toujours demeuré ici, c’est parce que j’avais promis à ta mère agonisante de te sauver des flammes qui dévoraient tout l’édifice !

En prononçant ces dernières paroles, l’œil du misérable avait jeté un éclair de haine satisfaite.

Ce fut au tour d’Hortense de consoler Mathilde dont les révélations éhontées de son père avaient brisé le cœur.

Au même instant, la servante qui avait annoncé la visite de Louis à M. Darcy venait l’avertir de la présence de M. Puivert.

Il se leva donc pour recevoir le fermier qui le regarda presqu’en tremblant, à l’aspect que présentait la figure du meurtrier, encore plus maussade en ce moment, que lorsque dominé par ses plus grands accès de colère.

En même temps la fille de table avait pu remettre à Mathilde une lettre apportée à l’instant même. Cette lettre se lisait ainsi :

« Je vous adresse, avec ces quelques mots, une lettre destinée à ma bien-aimée Hortense, afin que M. Darcy ne sache pas que ce billet vient de moi, vu une légère difficulté, que nous avons eue ensemble. J’espère pouvoir compter sur votre générosité habituelle en cette circonstance et vous en remercie d’avance. » Ces quelques lignes portaient la signature de Louis Hervart.

Hortense ouvrit la lettre à son adresse. « Tu me trouveras bien téméraire, lui écrivait Louis, surtout quand tu auras lu ce billet en entier. Mais sois persuadée que tout ce que je fais c’est pour ton bonheur aussi bien que pour le mien. Je sais que ton père te destine à Marceau.

Il ne le connaît pas bien, sans doute, car il eût fait pour toi un autre choix. Je le connais mieux, moi, et ce que je puis te dire de lui, c’est qu’il n’a jamais été qu’un voleur et qu’il complote à l’instant même un assassinat avec d’autres scélérats qui ne valent pas mieux que lui.

D’ailleurs, tu sais mon amour pour toi ; en effet, sans toi je ne pourrais vivre. Tu dois croire à la franchise de ces paroles. Tu m’aimes toi aussi, tu pourrais vouloir me tromper en épousant Edmond, mais je ne prendrai pas le change, car je suis certain qu’un pareil mariage serait contre ton gré et seulement pour obéir à ton père. C’est ce que tu ne feras pas. Tu me briserais le cœur et je n’aurais plus qu’à mourir.

Tu connais mon logis, prends-en donc le chemin immédiatement, et attends-moi, je serai absent une partie de l’après-midi mais dès mon retour nous partirons. Une nécessité absolue que je ne puis te dire maintenant, mais que tu connaîtras plus tard, me force à cette extrémité. Embrasse bien Mathilde de la part de son beau-frère. Tu peux lui montrer ces lignes ; elle a trop bon cœur pour ne pas m’approuver. Sois prête quand je reviendrai et aie confiance en l’honneur de celui qui dépose son cœur et sa vie à tes pieds. »

— Je m’en vais en effet, fit Hortense, non pas chez Louis, mais à la chapelle de la Providence où j’attendrai son retour.

— Tu es bien heureuse, toi, fit Mathilde, tu peux partir, mais moi, je suis destinée à rougir partout à l’avenir, et je n’ai pas d’asile.

Quant à cela, je ne le permettrai jamais, tu seras toujours ma sœur. Le nom de ton père ne sera jamais déshonoré.

— Tu as un cœur d’or, merci.

Et toutes deux se séparèrent dans un cordial et fraternel embrassement.