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Vers l’amour/Cruautés humaines

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Cruautés humaines




L’homme aime à voir souffrir ;
Monstre dur et farouche,
Il craint bien de mourir,
Gémit lorsqu’on le touche ;
Mais il ne comprend pas
Qu’un animal se plaigne
Quand, un jour de frimas,
Le cruel chasseur daigne
Le traquer dans les bois ;
Quand le cerf, l’œil en larme,
Sans haleine, aux abois,
Voit le bourreau, dont l’arme
Se dresse vers son cœur,
Achever sa détresse,
Sa craintive douceur
Et sa courte allégresse.

Quand le léger ramier,
En agitant son aile
Vers le ciel printanier,
Reçoit, dans son corps frêle,
Les flèches de la mort.
Un tireur imbécile,
Vil instrument du sort,
Se croit un être habile
En massacrant l’oiseau
De l’amour, de l’idylle :
Cet homme est un fléau.
Quand, dans l’immense arène,
Les lâches picadors
Qu’un bas instinct entraîne,
Semblables aux condors,
Fondent sur leur victime,
Le taureau dédaigneux,
D’un œil grave et sublime,
De son maintien fougueux,
Brave l’horrible foule
Qui blasphème en hurlant
Devant le sang qui coule
En jets noirs de son flanc.
Le matador arrive,

Et le fier animal,
Dont la douleur s’avive
De voir l’homme brutal,
Fléchit au coup d’épée,
S’affaisse sur le sol,
Sa poitrine frappée
Par l’abject Espagnol.
C’est pourquoi le colosse,
Qui s’appelle être humain,
Devient toujours féroce
S’il pense que sa main
Peut rester impunie,
Sans craindre un lendemain
Qui venge l’agonie.