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Vers l’amour/Les figurines en porcelaine

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Les figurines en porcelaine




Au fond d’une vieille vitrine,
L’une auprès de l’autre, vivaient
Des porcelaines, dont la mine
Charmait les yeux. Elles rêvaient
À leur vive splendeur ancienne,
Et se demandaient quel méfait,
Conçu par leur âme païenne,
Leur valait cet ennui parfait.
La délicieuse bergère
Se moquait du gros Hollandais,
Dont le sombre regard austère
Lui paraissait dur et mauvais.
De son petit doigt fin et rose,
Elle montrait la Pompadour
Qui, d’un œil distrait et morose,
Attendait qu’on lui fît la cour.

Le gai Teuton apoplectique,
À cheval sur un grand tonneau,
Écoute la douce musique
Du pâtre au léger chalumeau ;
Et les danseuses d’outre-Manche,
Dans leur coloris effacé,
Souplement balancent leur hanche
D’un lent mouvement cadencé,
Riant au lourd parvenu Corse,
Écrasé par le poids des ans,
Qui croit toujours avoir la force
D’opprimer les pays géants.
Et tous ces petits personnages
Sont bien l’image des humains :
Ils furent tous des plus volages,
Ne pensant point aux lendemains ;
Et maintenant, dans leur vieillesse,
Tout leur paraît inconvenant :
Ils ne pensent plus qu’à confesse,
Oubliant les amours d’antan.