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Vie et opinions de Tristram Shandy/4/12

La bibliothèque libre.
Traduction par Joseph-Pierre Frenais.
Chez Jean-François Bastien (Tome troisième. Tome quatrièmep. 31-33).



CHAPITRE XII.

Ballet.


Bon Dieu ! quelle étendue de pays j’ai parcourue ! de combien de degrés je me suis rapproché d’un soleil plus chaud ! — que de belles villes j’ai traversées, — pendant le temps, madame, que tous avez mis à lire et à commenter cette histoire ! J’ai vu Fontainebleau, Sens, Joigny, Auxerre ; — et Dijon, capitale de la Bourgogne, et Châlons sur Saône, et Mâcon, capitale du Mâconais, et peut-être vingt autres villes et villages qui se trouvent sur la route de Paris à Lyon ; — mais je ne suis plus en état de vous en parler, que des villes de la lune. — Ainsi, quelque chose que je fasse, voilà un chapitre, et peut-être deux entièrement perdus.

« — Sans mentir, Tristram, votre histoire des Andouillettes est originale. »

Ajoutez, madame, qu’elle a distrait votre attention pour ce qui va suivre. — Si c’eût été quelque pieuse méditation sur la croix, — quelque traité sur la paix, l’humilité, la religion chrétienne, — si j’avois écrit sur le mépris des choses terrestres, sur l’aliment céleste de l’ame, ce pain des élus et des sages, cette sainteté, cette contemplation, dont l’esprit de l’homme, une fois séparé de son corps, doit se nourrir à jamais ; je conçois, madame, que vous m’auriez vu finir, avec plus de plaisir, et recommencer avec plus d’intérêt.

Au lieu que cette abbesse..... Je voudrois n’en avoir jamais parlé. — Mais le mal est fait ; et comme je n’efface jamais rien, voyons si je trouverai quelque expédient pour vous ôter cette idée de la tête…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

— Avec votre permission, madame,… je crains que vous ne soyiez assise dessus. — C’est mon bonnet et ma marotte que je cherche. —

« Votre marotte, Tristram ! — il y a plus d’une heure que vous la tenez. » —

Oui ! en ce cas, madame, laissez-moi faire deux ou trois cabrioles, danser la fricassée, et chanter lanturlu ; — et je reviens à vous plus sage et plus posé que jamais.