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Vie et opinions de Tristram Shandy/4/14

La bibliothèque libre.
Traduction par Joseph-Pierre Frenais.
Chez Jean-François Bastien (Tome troisième. Tome quatrièmep. 40).



CHAPITRE XIV.

Je ne sais plus où j’en suis.


Me voici pour le coup dans un labyrinthe tout-à-fait inextricable. — Dans l’un (c’est celui que j’écris maintenant) j’en suis dehors depuis long-temps. — Dans l’autre (c’est celui que je dois écrire un jour) je n’en suis pas encore tout-à-fait sorti. —

Il y a en toutes choses un certain degré de perfection ; et en voulant aller au-delà, je me suis mis dans une situation où jamais voyageur ne s’est trouvé avant moi. — Car en ce même instant je suis sur la place d’Auxerre, avec mon père et mon oncle Tobie, regagnant l’auberge et le dîner. — J’entre en même-temps dans la ville de Lyon, avec ma chaise de poste rompue en mille pièces ; — et pour compléter l’extravagance, je me trouve (toujours au même instant) sur les bords de la Garonne, dans un joli pavillon bâti par Pringello, que monsieur Salignac m’a prêté, et dans lequel j’écris cette rapsodie.

— Laissez-moi recueillir un peu, et reprendre ensuite le fil de mon voyage.