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Vie et opinions de Tristram Shandy/4/80

La bibliothèque libre.
Traduction par Joseph-Pierre Frenais.
Chez Jean-François Bastien (Tome troisième. Tome quatrièmep. 213-214).



CHAPITRE LXXX.

Il frappe à la porte.


Quand mon oncle Tobie et le caporal furent arrivés au bout de l’avenue, ils s’apperçurent qu’ils tournoient le dos à la maison de la veuve ; ils firent volte-face, et marchèrent droit à la porte de Mistriss Wadman. —

« Monsieur peut m’en croire et marcher en assurance, dit le caporal, qui porta la main à son bonnet, en passant devant son maître pour aller frapper à la porte. « Mon oncle Tobie, démentant en ce moment sa manière invariable de traiter son fidèle domestique, ne lui répondit rien. — La vérité étoit qu’il n’avoit pas encore bien rédigé toutes ses idées. Il auroit désiré une autre conférence avec Trim. Et tandis que le caporal montoit les trois marches qui étoient devant la porte, mon oncle Tobie cracha deux fois. — À chaque fois le caporal s’arrêta par une sorte d’instinct ; — il resta une minute le marteau de la porte suspendu dans sa main ; — il hésitoit sans savoir pourquoi. —

Cependant Brigitte, morfondue à force d’attendre, faisoit sentinelle en dedans, le pouce et le premier doigt appuyés sur le loquet.

Mistriss Wadman, assise derrière le rideau de sa fenêtre, retenoit son souffle, et guettoit leur approche. — On lisoit dans ses yeux le présage de sa défaite.

« Trim, dit mon oncle Tobie ! » — Mais comme il ouvroit la bouche, la minute expira, et Trim laissa tomber le marteau.

Mon oncle Tobie, voyant qu’il ne pouvoit plus reculer, se mit à siffler son lilla-burello.