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Vie et opinions de Tristram Shandy/4/87

La bibliothèque libre.
Traduction par Joseph-Pierre Frenais.
Chez Jean-François Bastien (Tome troisième. Tome quatrièmep. 224-225).



CHAPITRE LXXXVII.

Ne t’en fie qu’à toi seul.


Mistriss Brigitte avoit engagé tout le petit fonds d’honneur que peut avoir une soubrette, qu’elle sauroit tout le détail de l’affaire avant qu’il fût huit jours ; et elle se fondoit sur une supposition qui étoit en soi très-probable. « Trim, avoit-elle dit, ne manquera pas de me faire sa cour, tandis que le capitaine fera la sienne à madame ; et je le traiterai de sorte qu’il me dira tout. »

L’amitié a deux vêtemens ; l’un de dessus et l’autre de dessous. Brigitte servoit les intérêts de sa maîtresse avec l’un, et faisoit la chose qui lui plaisoit le plus avec l’autre. Le diable lui-même n’auroit pas eu plus beau jeu qu’elle a à s’assurer de la blessure de mon oncle Tobie. —

Pour Mistriss Wadman, elle n’avoit qu’un moyen, mais il étoit sûr. De sorte que (sans rejetter l’offre de Brigitte, ni mépriser ses talens) elle se détermina à jouer son jeu elle-même.

Elle n’avoit pas besoin de tout son talent. Un enfant auroit trompé mon oncle Tobie au jeu. Il connoissoit à peine les cartes, — et laissoit voir son jeu tant qu’on vouloit. — Le pauvre homme vint se livrer lui-même à la veuve en se plaçant sur son sopha, mais tellement sans défense et sans défiance, qu’un cœur généreux auroit rougi d’en abuser.

Mais quittons la métaphore.