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Wikisource:Extraits/2014/25

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Théodore Hersart de La Villemarqué, Le Seigneur Nann et la Fée dans Barzaz Breiz — Chants populaires de la Bretagne 1883


III

LE SEIGNEUR NANN ET LA FÉE

DIALECTE DE LEON —


ARGUMENT
En indiquant précédemment le caractère général des fées chez les différents peuples de l’Europe, et le caractère particulier des fées bretonnes, j’ai essayé de prouver que celles-ci paraissent avoir emprunté aux druidesses gauloises, non-seulement quelques traits essentiels de leur physionomie, mais jusqu’à leur nom de Korrigan. La ballade du seigneur Nann peut être citée comme exemple, pour montrer ce qui leur est propre, et ce qu’elles ont de commun avec les fées des autres peuples. Elle m’a été apprise, ainsi que la suivante, par une paysanne Cornouaillaise. Depuis lors je l’ai entendu chanter plusieurs fois en Léon : ce dialecte étant plus élégant que celui de Cornouaille, j’ai cru devoir le suivre.

Le seigneur Nann et son épouse ont été fiancés bien jeunes, bien jeunes désunis.

Madame a mis au monde hier deux jumeaux aussi blancs que neige ; l’un est un garçon, l’autre une fille.

— Que désire votre cœur, pour m’avoir donné un fils ? Dites, que je vous l’accorde à l’instant :

Chair de bécasse de l’étang du vallon, ou chair de chevreuil de la forêt verte ?

— La chair du chevreuil est celle que j’aimerais, mais vous allez avoir la peine d’aller au bois. —

Le seigneur Nann en l’entendant saisit sa lance de chêne,

Et sauta sur son cheval noir, et gagna la verte forêt.

En arrivant au bord du bois, il vit une biche blanche ;

Et lui de la poursuivre si vivement que la terre tremblait sous eux ;

Et lui de la poursuivre aussitôt si vivement, que l’eau ruisselait de son front,

Et des deux flancs de son cheval. Et le soir vint.

Et il trouva un petit ruisseau près de la grotte d’une Korrigan,

Et tout autour un gazon fin ; et il descendit pour boire.

La Korrigan était assise au bord de sa fontaine, et elle peignait ses longs cheveux blonds,

Et elle les peignait avec un peigne d’or (ces dames-là ne sont point pauvres).

— Comment êtes-vous si téméraire que de venir troubler mon eau !