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Wikisource:Extraits/2017/21

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Madame Dandurand, Rancune 1896


RANCUNE


Comédie en un acte et en prose




La scène représente un boudoir. Table au centre avec chaises de chaque côté. À l’angle droit une petite table à ouvrage, une chaise légère et un tabouret. À gauche un secrétaire chargé de quelques bibelots, photographies, etc. Grande porte au fond ouvrant sur une antichambre. À gauche, porte donnant accès au jardin.



Scène I.

ARMAND, ADOLPHE. Ils entrent en causant.
Adolphe.

… C’est-à-dire que tu refuses de tenir tes engagements, et tes bonnes raisons pour cela sont que : « voyager t’ennuie » — « tu serais un triste compagnon » — « tu n’es pas dans ton assiette ! » — tu patauges enfin et moi j’en suis pour mes projets à l’eau.

Armand.

Mon cher ami, j’en suis désolé…

Adolphe.

Oui, je sais que tu m’accordes tes sympathies ; c’est quelque chose assurément.

Armand.

Franchement, Adolphe, je ne comprends pas pourquoi tu insistes. Ce voyage que nous projetions avec entrain, il y a deux mois, me répugne tellement aujourd’hui, que tu aurais l’air de me traîner au bagne si je consentais à t’accompagner.

Adolphe.

Me diras-tu au moins la raison de ce caprice ?

Armand.

Encore une fois, je n’en sais rien ; seulement tout ce que je puis te dire, c’est que je ne me suis jamais senti moins touriste qu’aujourd’hui.

Adolphe.

Tiens, veux-tu que je t’apprenne, moi, quel diable te tourmente ? Mon pauvre Armand, tu es amoureux.

Armand.

Peuh !

Adolphe.

Voyons ! la petite cousine ! hein ?… Avoue donc !…


Armand, souriant.

Je n’ai rien à avouer. Irène se soucie de moi comme des brins d’herbe qu’elle a la manie d’arracher au bord du chemin, chaque fois que nous nous promenons, qu’elle tourmente, un peu entre ses doigts et jette ensuite dans la poussière.

Adolphe.

Mais toi ?

Armand.

Bah ! moi, qu’importe ?

Adolphe.

Tu n’es pas indifférent, à ce qu’il me paraît.