Biographie universelle ancienne et moderne/2e éd., 1843/LADOUCETTE (le baron Jean-Charles-François de)

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Texte établi par Michaud, A. Thoisnier Desplaces (Tome 22p. 429-430).

LADOUCETTE (le baron Jean-Charles-François de), administrateur, antiquaire et littérateur français, né à Nancy le 4 octobre 1772. Fils d’un avocat qui exerçait sa profession avec distinction, Ladoucette fit de bonnes études dans sa ville natale et y suivait un cours de droit, au moment où la révolution éclatait. Il en embrassa la cause avec ardeur, mais sans en approuver les excès. En 1790, lorsqu’eut lieu, à Nancy, la révolte des troupes contre les décrets de l’assemblée nationale, il se fit remarquer dans les rangs de la garde civique, et prononça, le lendemain, l’oraison funèbre d’un de ses chefs tombé victime de son zèle pour le maintien des nouvelles institutions. Barthélemy, qui fut depuis membre du directoire, avait fait la connaissance de Ladoucette et remarqué son intelligence précoce ; devenu ambassadeur de la république en Suisse, il se l’attacha et lui confia diverses missions importantes. Mais la carrière du jeune diplomate fut brisée de bonne heure. Le 18 fructidor ayant amené l’exil de son protecteur, Ladoucette rentra, pour quelques années, dans la vie privée. Il se livra au théâtre, la seule branche de littérature alors dont l’état de trouble et de malaise qui pesait sur la France, n’eût pas dégoûté les esprits. Il fit représenter, en 1798, au théâtre de Molière, Helvétius à Voré, comédie spirituelle en un acte et en prose qui fut publiée en 1800 et dont une 3e édition a paru en 1843. Vers la même époque, il donnait, sous le titre de Philoclès (Paris, 1807), un roman imité de Wieland qui lui valut les éloges du célèbre auteur allemand, sur lequel il a publié, en 1810, une notice (Paris, in-8o). Le roman de Philoclès a eu les honneurs de la réimpression en 1820. En 1801, Ladoucette fit paraître, sous le voile de l’anonyme, Rose et noir, une nouvelle dite très-ancienne et une chinoise (Paris, in-12). La révolution du 18 brumaire, qui rendit à la France l’ordre et le calme, ouvrit au jeune auteur la carrière administrative. Présenté au premier consul, pour une place au conseil général de la Seine, il obtint, au lieu de ce qu’il sollicitait, le poste de préfet du département des Hautes-Alpes. Bonaparte avait besoin d’hommes nouveaux et intelligents qui réorganisassent l’administration départementale ; le bien que les protecteurs de Ladoucette en disaient, lui donna l’idée de confier au jeune postulant un emploi plus important. Une fois fixé à Gap, Ladoucette s’acquitta de ses fonctions avec un zèle et une intelligence qui ont laissé dans l’esprit des habitants des souvenirs encore vivants. C’est grâce à son initiative que fat commencée la route du mont Genèvre, malgré la vive opposition du directeur général des ponts et chaussées. Il fit lui-même les premiers frais de ce grand travail, et rencontra heureusement en Napoléon un appui qui lui permit de se rembourser de ses avances et de poursuivre l’exécution du projet. Le mérite de l’administrateur trouva bientôt sa récompense. Ladoucette fut successivement nommé chevalier, puis officier de la Légion d’honneur ; il reçut le titre de baron de l’empire. L’étude du département confié à ses soins l’avait conduit à en étudier la topographie, l’histoire et les antiquités. De cette façon, il réunit les matériaux de l’ouvrage qu’il a publié plus tard. Il dirigea les fouilles de la ville romaine du Mons Saleucus, et les fit connaître dans son Archéologie de Mons Saleucus (Gap, 1806, in-8o), en même temps qu’il recueillait avec ardeur les traditions locales. Appelé en 1809 à la préfecture du département de la Roer, Ladoucette réalisa dans ce pays de nombreuses améliorations et posa la première pierre du nouvel hôtel de ville d’Aix-la-Chapelle. Il ne quitta sa préfecture qu’au moment où les Russes mettaient le pied dans la ville. Demeuré en disponibilité jusqu’en 1815, l’ex-préfet fut appelé par Napoléon, lors de son retour de l’Ile d’Elbe et chargé d’une mission dans le département de la Moselle, alors menacé par les Prussiens. L’empereur savait qu’il pouvait compter sur son courage et son dévouement. Arrivé à Metz, Ladoucette, s’empressa de lever dix mille hommes de garde nationale et d’organiser tout pour la défense de la ville. Mais la seconde Restauration ayant rendu sa tâche inutile, il ne s’occupa plus qu’à amener par une transition pacifique la population au nouvel ordre de choses. Cette œuvre accomplie, il se retira dans la vie privée, conservant naturellement un vif attachement pour le régime impérial, qu’il avait si honnêtement servi ; il ne donna pas l’exemple de ces tristes palinodies qui sont le fruit trop habituel des révolutions. Dès lors, Il se consacra tout entier à la culture des lettres et de l’archéologie. Admis, en 1818, à la Société royale des antiquaires de France, avec le titre de membre résident, il prit une part active à ses travaux ; il a publié, dans le recueil de ses Mémoires, une foule de dissertations, de rapports, de notices biographiques. Nous citerons, comme les plus importantes : Notice sur Lerouge, membre de cette société (t. 10), Notice sur le marquis de Malleville (t. 10), sur le comte Miollis (t. 10), sur le chevalier de Pougens (Nouv. sér., t. 1), sur l’amphithéâtre d’Arles (t. 9), sur les camps, voies romaines, tombes, etc., du département des Vosges et de la Moselle (t. 10) ; Antiquités d’Aix-la-Chapelle (Nouv. sér., t. 11) ; sur les Ubiens de Colonia Agrippa (Nouv. sér., t. 4), sur l’air du pantalon de St-Pè (t. 8), sur le troubadour Guillaume de Cabestaing (t. 8 et 10). En 1819, Ladoucette dut à son zèle pour les travaux de la Société l’honneur d’être appelé à la présidence. Tout en se livrant à ses recherches savantes, Ladoucette réunissait le fruit des observations qu’il avait faites durant son séjour dans les provinces rhénanes, et donnait un Voyage fait en 1813 et 1814 dans le pays entre Meuse et Rhin (Paris, 1818, in-8o). Au reste, l’étude des antiquités et de l’histoire n’avait point effacé, chez lui le goût de la littérature légère. En 1826, il publia un recueil de Fables qui eut une seconde édition en 1841. Il avait fait paraître en 1824, sous ce titre : le Troubadour, ou la Provence au 12e siècle, ou Guillaume et Marguerite, un tableau animé et intéressant des anciennes mœurs du midi de la France, ouvrage qui a été réimprimé en 1843. En 1827, il donnait Robert et Léontine, ou la Moselle au 16e siècle (Paris, 3 vol. in-12), qui a eu aussi une seconde édition (Paris, 1843, in-8o). Devenu secrétaire perpétuel de la Société philotechnique, Ladoucette communiqua aux séances publiques de cette association littéraire plusieurs des morceaux sortis de sa plume spirituelle et facile. Un recueil de Nouvelles, Contes et Apologues, avait paru de lui, sans nom d’auteur en 1822 (3 vol. in-12). Mais l’ouvrage qui a mérité à Ladoucette le plus d’éloges, et rendu le plus de services à la science et aux lettres est son Histoire, topographie, antiquités, usages, dialectes des hautes Alpes, dont la première édition date de 1820 et qui a été réimprimé avec des additions en 1834 et en 1848. C’est le recueil le plus complet d’informations qui existe sur le haut Dauphiné. Si l’on n’y trouve pas une érudition toujours bien étendue et bien sûre, on y puise du moins des faits recueillis avec intelligence et avec soin. Ladoucette n’avait pu approfondir la géographie des Gaules et la philologie des langues romanes, mais il connaissait bien les Alpes et en savait parfaitement l’histoire et les mœurs. Élu en 1834 à la Chambre des députés par l’arrondissement de Briey, qui gardait le souvenir de sa courageuse résistance contre l’invasion, Ladoucette prit place dans les rangs de l’opposition modérée du centre gauche et s’occupa surtout des intérêts matériels du pays. On le vit s’opposer avec force au défrichement des forêts, éclairer la question des attributions municipales et des biens communaux. Il prit part à la discussion sur la responsabilité des agents du pouvoir et fut rapporteur dans les affaires de St-Domingue. La révolution de 1848 vint le surprendre sur son siége de député. Il mourut le 10 mars suivant. Il a laissé deux fils, dont l’un est aujourd’hui sénateur et l’autre membre du Corps législatif. On trouve le portrait de cet antiquaire en tête de la 3e édition de l’Histoire des hautes Alpes. On doit encore à Ladoucette : Souvenirs sur Napoléon et Marie-Louise, dans le Livre des cent et un (t. 2), Anecdotes sur Napoléon (ibid., t. 15), divers comptes rendus des travaux de la Société philotechnique publiés dans les Annuaires de cette société ; il a fourni quelques morceaux aux Annales de la société d’émulation des Vosges. A. M—y.