Biographie universelle ancienne et moderne/2e éd., 1843/LADOUCETTE (le baron Jean-Charles-François de)
LADOUCETTE (le baron Jean-Charles-François
de), administrateur, antiquaire et littérateur français,
né à Nancy le 4 octobre 1772. Fils d’un avocat
qui exerçait sa profession avec distinction, Ladoucette
fit de bonnes études dans sa ville natale
et y suivait un cours de droit, au moment où la révolution
éclatait. Il en embrassa la cause avec
ardeur, mais sans en approuver les excès. En 1790,
lorsqu’eut lieu, à Nancy, la révolte des troupes
contre les décrets de l’assemblée nationale, il se
fit remarquer dans les rangs de la garde civique,
et prononça, le lendemain, l’oraison funèbre d’un
de ses chefs tombé victime de son zèle pour le
maintien des nouvelles institutions. Barthélemy,
qui fut depuis membre du directoire, avait fait la
connaissance de Ladoucette et remarqué son intelligence
précoce ; devenu ambassadeur de la république
en Suisse, il se l’attacha et lui confia
diverses missions importantes. Mais la carrière
du jeune diplomate fut brisée de bonne heure. Le
18 fructidor ayant amené l’exil de son protecteur,
Ladoucette rentra, pour quelques années, dans la
vie privée. Il se livra au théâtre, la seule branche
de littérature alors dont l’état de trouble et
de malaise qui pesait sur la France, n’eût pas dégoûté
les esprits. Il fit représenter, en 1798, au
théâtre de Molière, Helvétius à Voré, comédie spirituelle
en un acte et en prose qui fut publiée en
1800 et dont une 3e édition a paru en 1843. Vers la
même époque, il donnait, sous le titre de Philoclès
(Paris, 1807), un roman imité de Wieland qui
lui valut les éloges du célèbre auteur allemand,
sur lequel il a publié, en 1810, une notice (Paris,
in-8o). Le roman de Philoclès a eu les honneurs de la
réimpression en 1820. En 1801, Ladoucette fit paraître,
sous le voile de l’anonyme, Rose et noir, une nouvelle dite très-ancienne et une chinoise (Paris,
in-12). La révolution du 18 brumaire, qui rendit
à la France l’ordre et le calme, ouvrit au jeune
auteur la carrière administrative. Présenté au premier
consul, pour une place au conseil général de
la Seine, il obtint, au lieu de ce qu’il sollicitait,
le poste de préfet du département des Hautes-Alpes.
Bonaparte avait besoin d’hommes nouveaux
et intelligents qui réorganisassent l’administration
départementale ; le bien que les protecteurs de
Ladoucette en disaient, lui donna l’idée de confier
au jeune postulant un emploi plus important.
Une fois fixé à Gap, Ladoucette s’acquitta
de ses fonctions avec un zèle et une intelligence
qui ont laissé dans l’esprit des habitants des souvenirs
encore vivants. C’est grâce à son initiative
que fat commencée la route du mont Genèvre,
malgré la vive opposition du directeur général des
ponts et chaussées. Il fit lui-même les premiers
frais de ce grand travail, et rencontra heureusement
en Napoléon un appui qui lui permit de se
rembourser de ses avances et de poursuivre l’exécution
du projet. Le mérite de l’administrateur
trouva bientôt sa récompense. Ladoucette fut
successivement nommé chevalier, puis officier de
la Légion d’honneur ; il reçut le titre de baron
de l’empire. L’étude du département confié à ses
soins l’avait conduit à en étudier la topographie,
l’histoire et les antiquités. De cette façon, il réunit
les matériaux de l’ouvrage qu’il a publié plus tard.
Il dirigea les fouilles de la ville romaine du Mons Saleucus,
et les fit connaître dans son Archéologie de Mons Saleucus (Gap, 1806, in-8o), en même
temps qu’il recueillait avec ardeur les traditions
locales. Appelé en 1809 à la préfecture du département
de la Roer, Ladoucette réalisa dans ce
pays de nombreuses améliorations et posa la première
pierre du nouvel hôtel de ville d’Aix-la-Chapelle.
Il ne quitta sa préfecture qu’au moment
où les Russes mettaient le pied dans la ville. Demeuré
en disponibilité jusqu’en 1815, l’ex-préfet
fut appelé par Napoléon, lors de son retour de
l’Ile d’Elbe et chargé d’une mission dans le département
de la Moselle, alors menacé par les
Prussiens. L’empereur savait qu’il pouvait compter
sur son courage et son dévouement. Arrivé à
Metz, Ladoucette, s’empressa de lever dix mille
hommes de garde nationale et d’organiser tout
pour la défense de la ville. Mais la seconde Restauration
ayant rendu sa tâche inutile, il ne s’occupa
plus qu’à amener par une transition pacifique la
population au nouvel ordre de choses. Cette œuvre
accomplie, il se retira dans la vie privée, conservant
naturellement un vif attachement pour le
régime impérial, qu’il avait si honnêtement servi ;
il ne donna pas l’exemple de ces tristes palinodies
qui sont le fruit trop habituel des révolutions.
Dès lors, Il se consacra tout entier à la
culture des lettres et de l’archéologie. Admis,
en 1818, à la Société royale des antiquaires de
France, avec le titre de membre résident, il prit
une part active à ses travaux ; il a publié, dans
le recueil de ses Mémoires, une foule de dissertations,
de rapports, de notices biographiques. Nous
citerons, comme les plus importantes : Notice sur Lerouge, membre de cette société (t. 10), Notice sur le marquis de Malleville (t. 10), sur le comte Miollis
(t. 10), sur le chevalier de Pougens (Nouv. sér.,
t. 1), sur l’amphithéâtre d’Arles (t. 9), sur les camps, voies romaines, tombes, etc., du département des Vosges et de la Moselle (t. 10) ; Antiquités d’Aix-la-Chapelle
(Nouv. sér., t. 11) ; sur les Ubiens de Colonia Agrippa
(Nouv. sér., t. 4), sur l’air du pantalon de St-Pè
(t. 8), sur le troubadour Guillaume de Cabestaing
(t. 8 et 10). En 1819, Ladoucette dut à son zèle
pour les travaux de la Société l’honneur d’être
appelé à la présidence. Tout en se livrant à ses
recherches savantes, Ladoucette réunissait le fruit
des observations qu’il avait faites durant son séjour
dans les provinces rhénanes, et donnait un Voyage fait en 1813 et 1814 dans le pays entre Meuse et Rhin (Paris, 1818, in-8o). Au reste, l’étude des antiquités
et de l’histoire n’avait point effacé, chez lui
le goût de la littérature légère. En 1826, il publia
un recueil de Fables qui eut une seconde édition en
1841. Il avait fait paraître en 1824, sous ce titre :
le Troubadour, ou la Provence au 12e siècle, ou Guillaume et Marguerite, un tableau animé et intéressant
des anciennes mœurs du midi de la France,
ouvrage qui a été réimprimé en 1843. En 1827, il
donnait Robert et Léontine, ou la Moselle au 16e siècle
(Paris, 3 vol. in-12), qui a eu aussi une seconde
édition (Paris, 1843, in-8o). Devenu secrétaire perpétuel
de la Société philotechnique, Ladoucette
communiqua aux séances publiques de cette association
littéraire plusieurs des morceaux sortis
de sa plume spirituelle et facile. Un recueil de
Nouvelles, Contes et Apologues, avait paru de lui,
sans nom d’auteur en 1822 (3 vol. in-12). Mais
l’ouvrage qui a mérité à Ladoucette le plus d’éloges,
et rendu le plus de services à la science et
aux lettres est son Histoire, topographie, antiquités, usages, dialectes des hautes Alpes, dont la première
édition date de 1820 et qui a été réimprimé avec
des additions en 1834 et en 1848. C’est le recueil
le plus complet d’informations qui existe sur le
haut Dauphiné. Si l’on n’y trouve pas une érudition
toujours bien étendue et bien sûre, on y
puise du moins des faits recueillis avec intelligence
et avec soin. Ladoucette n’avait pu approfondir
la géographie des Gaules et la philologie
des langues romanes, mais il connaissait bien les
Alpes et en savait parfaitement l’histoire et les
mœurs. Élu en 1834 à la Chambre des députés par
l’arrondissement de Briey, qui gardait le souvenir
de sa courageuse résistance contre l’invasion,
Ladoucette prit place dans les rangs de l’opposition
modérée du centre gauche et s’occupa surtout
des intérêts matériels du pays. On le vit s’opposer
avec force au défrichement des forêts, éclairer la
question des attributions municipales et des biens
communaux. Il prit part à la discussion sur la
responsabilité des agents du pouvoir et fut rapporteur
dans les affaires de St-Domingue. La révolution
de 1848 vint le surprendre sur son siége
de député. Il mourut le 10 mars suivant. Il a laissé
deux fils, dont l’un est aujourd’hui sénateur et
l’autre membre du Corps législatif. On trouve le
portrait de cet antiquaire en tête de la 3e édition
de l’Histoire des hautes Alpes. On doit encore à Ladoucette :
Souvenirs sur Napoléon et Marie-Louise,
dans le Livre des cent et un (t. 2), Anecdotes sur
Napoléon (ibid., t. 15), divers comptes rendus des
travaux de la Société philotechnique publiés dans
les Annuaires de cette société ; il a fourni quelques
morceaux aux Annales de la société d’émulation des Vosges. A. M—y.