Dictionnaire de théologie catholique/MAISTRE (Joseph de) I. Vie

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Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 9.2 : MABILLON - MARLETTAp. 129).

MAISTRE (Joseph de) écrivain de langue française (1753-1821). — I. Vie.— II. Œuvres (col. 1664). — III. Idées et influence (col. 1675).

I. Vie.

Fils de F.-X de Maistre, membre du Sénat de Savoie, Joseph de Maistre naquit à Chambéry le 1 er avril 1753. Il eut quatre frères dont le plus connu sera l'écrivain Xavier et cinq sœurs. Élevé dans une catholicisme réfléchi et austère par sa mère d’abord, puis par les jésuites, et devenu, après des études à l’Université de Turin, membre du Sénat de Savoie, il se laissa néanmoins quelque peu séduire par les idées de son temps, particulièrement de Rousseau. Ses discours au Sénat de Savoie : Éloge de Viclnrvmédée, 1775, Discours sur la vertu, 1777, Discours sur le caractère extérieur du magistrat, 1784, lui vaudront, pendant la Révolution, une réputation de jacobinisme qui ne disparaîtra jamais complètement. Cf. Descostes, Joseph de Maistre avant la Révolution, t. i et t. ii, passim. Dans ces mêmes années, il fut affilié à la maçonnerie anglaise dans la loge savoisienne des Trois-Mortiers, puis à la maçonnerie de rite écossais dans la loge la Sincérité. Cf. Vernale, La franc-maçonnerie savoisienne et l'époque révolutionnaire d’après ses registres secrets, Paris, 1912. Enfin à ce même moment, par les francs-maçons de Lyon, il s’instruisait des doctrines martinistes et des spéculations religieuses de Saint-Martin, le philosophe inconnu. Cf. Papus, Martinez de Pasquallg, Chaumont, 1895 et L’illuminisme en France, Louis Claude de Saint-Martin, Chaumont, 1902.

En face de la Révolution qui gagne du terrain même en Savoie, de Maistre se range parmi les adversaires, et, après divers incidents, quand Montesquiou a occupé la Savoie, il émigré à Lausanne, janvier 1793. Là, pour détourner ses compatriotes d’accepter le joug français, il écrit une brochure intitulée : Lettres d’un royaliste savoisien à ses compatriotes, précédée d’une adresse de quelques parents des militaires savoisiens à la Convention nationale, 1793. Œuvres, t. vii, p. 35228. Il publie ensuite ses Considérations sur la France, in-8°, Londres (Lausanne), 1796, ouvrage anonyme mais dont on le sait bientôt l’auteur, et qui a un succès considérable, même en France. Surveillé par la police du Directoire qui exigera son expulsion de Lausanne, de Maistre revient à Turin en janvier 1797, auprès du nouveau roi de Sardaigne, CharlesEmma nuel IV. Il y demeure jusqu'à la fuite de ce roi à Cagliari, novembre 1798 ; pour lui, il se réfugie à Venise, puis rejoint son souverain ; enfin, en septembre 1802, Victor-Emmanuel I er, frère et successeur de Charles-Emmanuel, le désigne pour remplacera Pétersbourg, comme ministre de Sardaigne, le comte Balbo. De Maistre occupa ce poste jusqu’en 1817. C’est à Pétersbourg qu’il écrit ses principaux ouvrages : Essai sur le principe générateur des constitutions politiques, 1808, Œuvres, t. i, p. 221-308 ; Du pape, 1819, ibid., t. ii, que suivra, De l'Église gallicane, 1821, t. m ; enfin les deux livres qui ne seront publiées qu’après sa mort, Les soirées de Saint-Pétersbourg, 2 in-8°, 1821, t. iv et v ; et Examen de la philosophie de Bacon, 2 in-8°, 1826, t. vi. De Pétersbourg aussi il envoie une abondante et précieuse Correspondance officielle, et privée, t. ix-xiv. Ses dernières années à Pétersbourg furent moins heureuses que les premières, la question religieuse et plus précisément la question des jésuites lui attirèrent quelque animosité de la part du tsar. Alexandre, surtout après que, sous l’influence de Mme de Krudner, il eut aspiré à fonder, autour d’un Credo restreint à des dogmes soi-disant fondamentaux, un christianisme universel qu'ébauchera d’ailleurs la Sainte-Alliance, reprocha au ministre de Sardaigne son prosélytisme. Ce prosélytisme était discret, modéré et réel. Il en reste une Lettre à une dame protestante sur la maxime qu’un honnête homme ne change jamais de religion, datée du 9 décembre 1809, et une Lettre à une dame russe sur la nature et les effets du schisme, datée du 8 (20) février 1810, Œuvres, t. viii, p. 126-157, que l’on colporta dans Pétersbourg. Quant aux jésuites, de Maistre les avait toujours soutenus. Or, à partir du jour où ils se refusèrent à certaines exigences religieuses d’Alexandre, ils devinrent suspects au tsar. La conversion d’un jeune Galitzin qui leur fut imputée acheva de les perdre. Cf. Burnichon, La Compagnie de Jésus en France, t. i, p. 183-192. Ils furent expulsés de Pétersbourg, décembre 1815, et, quatre mois plus tard, de tout l’Empire. Cf. Goyau, La pensée religieuse de Joseph de Maistre, ii, 17921821, dans Revue des Deux Mondes, 15 avril 1921, p. 612-616. Revenu à Turin à la fin de 1817, de Maistre, une année après, fut nommé régent du royaume » de Sardaigne, c’est-à-dire, garde des sceaux, sans le titre. Il se consola de cette maigre récompense en publiant quelque-uns de ses manuscrits. Il mourut à Turin le 26 février 1821.