Grands Concerts/Concerts-Colonne/19 mars 1937

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Concerts-Colonne

Samedi 13 mars. — Programme varié, encadré par deux magnifiques exécutions, sous la direction de M. Paul Paray, de l’Ouverture d’Iphigénie en Aulide de Gluck et de la Symphonie en ré mineur de César Franck.

M. Albert-Lévêque, qui possède, dans l’interprétation des œuvres de Bach, une maîtrise incomparable, exécuta au piano le Concerto en fa majeur pour clavecin et deux flûtes, avec accompagnement d’orchestre. MM. Blanquart et Beuchat étaient ses prestigieux partenaires. Ces trois superbes artistes témoignèrent d’une solidité d’interprétation, d’une justesse et d’une ampleur de style qui leur valurent un succès triomphal, lequel se renouvela, pour les mêmes raisons, lorsque M. Albert-Lévêque se fit ensuite entendre seul dans Prélude et Fugue en fa majeur, extrait du premier livre du Clavecin bien tempéré, auquel l’enthousiasme du public l’obligea à ajouter Prélude et Fugue en ut dièse mineur et Prélude en si bémol.

Accueil chaleureux pour Marine, poème symphonique de M. Bondeville, inspiré par le texte d’Arthur Rimbaud et exécuté il y a trois ans aux Concerts-Lamoureux. C’est une œuvre évocatrice, bien construite, avec son motif initial confié à la trompette qui se dégage d’un fond de houle et qui, après un développement thématique et rythmique fougueux, parfois un peu confus, est repris avec éclat en valeurs augmentées. L’effet est très heureux.

Le programme était complété par l’exquise Suite de Gabriel Fauré sur Pelléas et Mélisande, et, en première audition, la Pastorale d’Henri Busser pour clarinette et petit orchestre. C’est une pièce d’un bien joli caractère, appropriée aux ressources de l’instrument solo, qu’elle met en valeur avec une habileté consommée, et où brillèrent la sonorité splendide et l’extraordinaire virtuosité de M. Louis Cahuzac. Succès éclatant et mérité.

P. B.

Dimanche 14 mars. — Mlle Almona chanta l’air de la Messagère de l’Orfeo de Monteverdi et l’air de la Clémence de Titus de Mozart. Elle possède une voix de contralto particulièrement vibrante et sonore, au registre étendu, quoique les notes les plus graves manquent un peu de pureté. Elle paraît faite davantage pour la scène que pour le concert, tant elle témoigne de vaillance et de vigueur. Peut-être pêche-t-elle par l’excès de placidité. Le récit de la Messagère est d’une intensité tragique dans sa simplicité qui ne souffre pas l’indifférence, même de la part d’un bel organe. Mlle Almona fut plus à l’aise dans Mozart, où il lui fut facile de faire valoir une virtuosité éprouvée.

M. Roland Charmy, qui interpréta la Symphonie espagnole de Lalo, est un artiste dans toute la vigueur et le sens musical de sa maturité. Rares sont les solistes qui donnent comme lui cette impression de constant équilibre, de nerfs d’acier dominant un tempérament fort. Et c’est son mérite et son secret aussi de faire accepter sous son archet maintes phrases vulgaires dont la longue pièce de Lalo est semée.

M. Paul Paray faisait entendre en première audition un Stellus de M. L. Dumas, suite tirée d’un poème dramatique de son frère, le regretté poète Charles Dumas. La musique ne nous apporte guère que des poncifs d’une inspiration et d’une forme appartenant à un moment très éphémère, que nous avions appris, depuis Debussy et Fauré, à oublier.

Le concert commençait par la Septième Symphonie de Beethoven et se terminait par la Suite que M. Jacques Ibert a tiré de son ballet Diane de Poitiers.

Michel-Léon Hirsch.