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LÉON TOLSTOÏ

feignais de mépriser ceux de la deuxième catégorie, mais, en réalité, je les haïssais et j’éprouvais envers eux un sentiment de personnalité blessée ; quant aux troisièmes, pour moi, ils n’existaient pas, je les méprisais complètement. « Mon comme il faut » consistait premièrement et principalement dans la parfaite connaissance et surtout la bonne prononciation du français. La personne qui prononçait mal le français excitait tout de suite en moi un sentiment de haine : « Pourquoi donc veux-tu parler comme nous quand tu ne le peux pas ? » lui demandais-je en pensée avec un sourire railleur. La deuxième condition du comme il faut était d’avoir les ongles longs, bien taillés et propres. La troisième, c’était de savoir saluer, danser et causer ; la quatrième, très importante, c’était l’indifférence pour tout et l’expression perpétuelle d’un ennui élégant, méprisant. »

« … Je suis effrayé en me rappelant combien j’ai perdu de temps précieux, le meilleur de la vie d’un jeune homme de seize ans, pour acquérir cette qualité.

« Mais ni la perte du temps précieux employé à ces soucis constants de la conservation de toutes les conditions difficiles du comme il faut, qui excluent toute occupation sérieuse, ni la haine et le mépris envers les neuf dixièmes du genre humain, ni l’absence d’attention à tout le bien qui se faisait en dehors du cercle des comme il faut, tout cela ne fut pas le mal principal que me causa cette idée.