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HISTOIRE D’UN RÉPROUVÉ

était horrible, car elle allait dire ce qu’elle savait de l’histoire du passé, et témoigner contre Dunbar.

L’employé auquel elle s’adressa à la gare de Winchester la traita avec politesse et bonté. La pâle beauté de sa figure pensive lui faisait des amis partout où elle allait. C’est chose très-dure pour le mérite à figure de singe et pour la vertu à cheveux rouges, qu’un profil grec ou une chevelure noire soient un aussi bon passeport ; mais malheureusement l’homme est faible et la beauté va droit à l’œil des gens frivoles, tandis que le mérite ne peut être apprécié que par les sages.

— S’il y a quelque chose que je puisse faire pour vous, mademoiselle, — dit l’employé poliment, — je serai très-heureux, je vous assure.

— Je désire être renseignée sur le meurtre, — répondit la jeune fille à voix basse et tremblante, — sur le meurtre qui a été commis…

— Oui, mademoiselle. Rien de plus facile. Tout le monde dans Winchester ne parle que de cela, c’est un événement très-mystérieux. Mais, — s’écria l’employé devenant tout à coup rayonnant, — seriez-vous un témoin, mademoiselle ?… Sauriez-vous quelque chose là-dessus ?

Il s’animait à la simple idée que cette jolie fille avait quelque chose à dire sur le meurtre et qu’il aurait le privilège de la présenter à ses concitoyens. Connaître quelqu’un qui sût quelque chose au sujet du meurtre de Wilmot, c’était en ce moment occuper un poste de distinction dans Winchester.

— Oui, — dit Margaret, — je veux témoigner contre Henry Dunbar.

L’employé tressaillit et ouvrit de grands yeux étonnés.

— Témoigner contre M. Dunbar ? — dit-il. — Mais M. Henry Dunbar a été relâché cette après-midi, et il