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HENRY DUNBAR

Parmi ces affiches apparaissaient quelques tableaux des heures de départs du chemin de fer.

Wilmot eut toute la salle à sa disposition. Il s’assit à côté de la fenêtre ouverte, prit un journal de province, et essaya de lire.

Mais cet essai fut infructueux. D’abord il n’y avait pas grand’chose à lire dans le journal, et ensuite Joseph n’aurait pas pu fixer son attention sur la page que regardaient ses yeux, quand bien même cette feuille de papier imprimée eût renfermé toute la sagesse du monde.

Non ; il ne pouvait lire. Il ne pouvait que songer. Il ne pouvait que songer à l’étrange chance qui lui était survenue après trente-cinq mortelles années. Il ne pouvait que songer à sa rencontre probable avec Henry Dunbar.

Il était entré dans la taverne du village un peu après une heure, et il y passa le reste de la journée à boire du grog (pas immodérément, il se tenait sur ses gardes sous ce rapport), à manger un morceau de pain et de viande froide pour son dîner, et à songer à Henry Dunbar.

Quoi qu’il fît, la pensée de Henry Dunbar ne le quittait pas.

Dans le wagon, à l’auberge de Basingstoke, pendant la longue nuit sans sommeil qu’il avait passée à la taverne, sur le bord de l’eau, dans la boutique du tailleur, même au moment où il était occupé à choisir ses habits, il avait toujours songé à Henry Dunbar. Depuis le moment de sa rencontre avec le vieux commis à la gare, cette même pensée était restée fixée dans son cerveau.

Il ne pensa pas une fois à son frère, pas même pour se demander si l’attaque avait été fatale, et si le vieillard était mort. Il ne pensa ni à sa fille, ni à l’angoisse que devait lui causer son absence prolongée.