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L’EMPIRE SONGHOÏ

mort des musulmans et qu’on pillât leurs biens. Il fit périr ainsi des théologiens, des juriconsultes… »

Ce dernier fait est exact, mais El Mouchéili oublie d’ajouter que Sunni Ali sévit contre certains marabouts, non contre tous, et non pas parce qu’ils étaient musulmans et prêtres, mais pour s’être occupés de politique et lui avoir fait de l’opposition. Que leur révolte eût pour cause le scepticisme du roi, la chose est certaine. Il importe en cette occasion de relever chez le Conquérant un trait intéressant de son caractère. Malgré les ennemis que lui suscita la caste, il ne cessa d’honorer les saints personnages qui s’occupaient de science et de piété seulement. « Il rendait hommage à leurs mérites, connaissait leur nombre jusqu’aux derniers et leur faisait des cadeaux, » dit le Tarik. Outre la générosité, ce procédé indique un esprit de tolérance qui est général et caractéristique chez les Songhoïs.

Que le lecteur se rassure ! Je n’ai pas l’intention d’entreprendre par le menu la psychologie d’un conquérant nègre. Il me faut cependant montrer une face encore de son caractère, l’emportement extrême et la violence de ses colères. Sunni Ali éclatait pour les moindres causes. En ces moments il avait l’arrêt de mort facile, et cela, même pour son entourage, même pour ceux qu’il affectionnait et qui lui étaient le plus utiles, le plus dévoués, le plus précieux. L’excès de ses fureurs n’avait d’égal que la promptitude de son repentir. Ses serviteurs le savaient, et si le condamné à mort était de ceux dont Sunni Ali devait regretter le supplice, ils le laissaient en vie et se contentaient de le faire disparaître en prison. Quand l’heure des regrets était venue, ils avouaient que l’arrêt avait été différé, et le roi s’en réjouissait.

Parmi ceux qui furent bien souvent à un fil du paradis se trouvait Mohammed ben Abou Bekr. On ne put Jamais établir le nombre exact des condamnations à mort qu’il encourut. C’était pourtant le bras droit d’Ali, son meilleur gé-