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L’EMPIRE SONGHOÏ

L’étiquette de sa cour était copiée sur celle du khalife. Il s’efforçait de rester invisible pour le vulgaire. « Askia el Hadj n’aimait pas à se laisser voir, rapporte le Tarik, et engageait son frère Omar à l’imiter, lui disant : « Ne t’expose pas toi-même à périr du mauvais œil ». Il fit mener aux femmes la vie des harems d’Orient et ordonna que toutes, mariées ou Jeunes filles, ne se montrassent que voilées. Sa propre famille donnait l’exemple.

En audience, on l’abordait en se couvrant la tête de poussière. Il ne parlait pas directement aux assemblées ni au peuple : un héraut clamait ses paroles. Sortait-il, son cortège était précédé de tambours, de trompettes et de musiciens. Lui-même s’avançait à cheval, isolé de sa suite qui restait, à distance respectueuse, en arrière. Autour de son cheval marchaient des serviteurs, tenant à tour de rôle sa selle. On les appelait « les Compagnons du pied », et leur chef, « le Maître de la route ». Les vice-rois avaient droit à un cérémonial analogue, mais moindre. Ils n’étaient précédés que d’un tambour et de musiciens qui devaient rester silencieux en vue d’une ville où résidait le souverain. En somme ce roi nègre, ainsi que les usurpateurs blancs, s’efforçait d’entourer le pouvoir d’autant plus de majesté et d’apparat qu’il y avait moins de droits.

Mais qu’importe ce travers en regard des sages mesures et des progrès remarquables que nous venons d’exposer.

Une pareille œuvre fait le plus grand honneur au génie de la race nègre et mérite à ce point de vue toute notre attention. Au xvie siècle cette terre de Songhoï qui porte les semences de l’antique Égypte, tressaille. Une merveilleuse poussée de civilisation monte là, en plein continent noir. Et cette civilisation n’est nullement imposée par les circonstances ni par la force, ainsi que s’est souvent implanté le progrès, et de nos jours encore. Elle est désirée, appelée, introduite et propagée par un homme de race nègre, et spontanément.