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TOMBOUCTOU LA MYSTÉRIEUSE

payer un tribut annuel et offrant en outre 100.000 mitkals d’or et 1.000 esclaves. Le pacha ayant jugé ces conditions acceptables, les transmit au sultan en même temps qu’un convoi d’or et d’esclaves, puis revint sur ses pas et s’empara, sans lutte également, de Tombouctou, où il attendit la réponse de son maître.

Mais El Mansour n’entendait plus s’en tenir à ses revendications premières. Ce succès, qu’il avait prévu cependant, le grisa. Il reçut tant de poudre d’or, d’esclaves, de musc ; de bois d’ébène et autres objets précieux, racontent les chronique, que les envieux en étaient tout troublés et les observateurs fort stupéfaits. Aussi ne paya-t-il plus ses fonctionnaires qu’en métal pur et en dinars de bon poids, ce qui laisse entendre qu’il ne dédaignait pas le faux-monnayage. Il y avait à la porte de son palais 14.000 marteaux qui frappaient chaque jour des pièces d’or. Une autre partie des trésors fut transformée en bracelets et en bijoux. Et l’on donna au Sultan le surnom de El-Déhébi — le Doré.

De grandes réjouissances publiques se prolongèrent trois jours durant à Marrakesch. De toutes parts des députations vinrent le féliciter. Des poètes se mirent en frais pour célébrer sa gloire, invitant « les oiseaux du bonheur à gazouiller sans cesse en son honneur », l’appelant « la racine de la gloire à laquelle tout se rattache » et résumant ce triomphe de la race blanche sur la race nègre en cette pittoresque image : « L’armée du jour s’est précipitée sur l’armée de la nuit et la blancheur de celle-là a effacé la noirceur de celle-ci. »

C’est avec toute raison que les Marocains exultaient ainsi. « Ils trouvèrent, dit le Tarik, le Soudan égal aux pays de Dieu les plus fortunés, sous le rapport de l’abondance, du bien-être, de la sécurité, de la santé dans tous les lieux et endroits. C’étaient là des bienfaits qui résultaient du règne béni de l’Émir des croyants, Askia El Hadj. »

Dès lors tout changea. La sécurité devint de la crainte, le