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DIENNÉ, HIER ET AUJOURD’HUI

semblables à un palimpseste dont on déchiffre malaisément le manuscrit premier. Des fragments manquent et manqueront toujours. Mais les omissions sont de celles auxquelles il est facile de suppléer.

Parmi les animaux adorés des Égyptiens, se trouve le crocodile cher aux prêtres de Thèbes et de Crocodilopolis. Sous une forme naturellement atténuée, ce culte se retrouve encore à Dienné. La ville et ses abords sont peuplés d’iguanes verts et énormes, en tout semblables à des crocodiles. Au Sénégal et ailleurs en pays nègre, les indigènes font une chasse acharnée à ce saurien dont ils apprécient fort la chair, fine et délicate, à ce que je me suis laissé dire. Les Diennéens, au contraire, le considèrent comme un animal sacré ; le tuer est pour eux un sacrilège. « Le Koran ne défend pas de manger les iguanes, m’expliquèrent les marabouts auxquels je rapportais la coutume des autres nègres. Nous les vénérons parce que nos pères faisaient ainsi. »

La colombe, l’oiseau-oracle du temple d’Ammon, jouit à Dienné de privilèges analogues. On lui ménage des nids dans les maisons, on pourvoit largement à sa nourriture, et jamais l’idée ne viendrait de la mettre à la broche, comme à Tombouctou ou ailleurs. Ce respect des Diennéens pour les colombes n’a pas manqué d’être connu dans les pays non songhoïs de la vallée du Niger où on leur donne le nom d'oiseaux de Dienné.

Dans l’ordre moral, un dernier rapprochement s’impose. Le fond de leur psychologie est ce caractère facile et cette douceur que, de tous temps, l’on s’est plu à reconnaître chez les races nilotiques. Le chroniqueur du Tarik, c’est-à-dire un homme du Soudan, mais qui n’est pas originaire de pays purement songhoïs, en a été frappé lui-même : « Le caractère de ses habitants est la sympathie, la bienveillance et la générosité », ne manque-t-il pas de noter. De son côté, Léon l’Africain observe : « Les Songhoïs sont des gens fort plai-