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DE DIENNÉ À TOMBOUCTOU

Le royaume des sables est notre but : c’est à ses portes que s’élève la ville prestigieuse. Laissons donc le fleuve aller au-devant des aurores, et, nous séparant de lui, dirigeons-nous vers le marigot de Daĩ. Ce mois de janvier marque ici le moment des plus hautes eaux. Le flot couvre le moindre espace à sa portée. Jusqu’au pied des dunes il n’a pas manqué de former l’habituelle plaine d’herbes aquatiques. Le marigot s’avance au milieu d’une vaste étendue claire mi-verte, mi-jaune, ourlée au loin de la bordure sombre d’une ligne d’arbres qui indique la terre ferme, non envahie. L’ourlet cependant s’interrompt tandis que notre barque s’avance, et démasque une dune, plus que les autres longue et blanche. Elle attire le regard et fascine en ce vaste horizon où l’œil ne peut se reposer. Elle semble avec arrogance proclamer la victoire des sables. Et vraiment elle a quelque raison de s’enorgueillir ; derrière elle, en droite ligne, à quelques kilomètres, s’abrite Tombouctou.

Pourtant ce n’est pas là qu’est situé Kabara, le débarcadère et le port de Tombouctou, mais plus avant dans l’horizon, où émerge une masse ronde, un pompon sombre. Sur lui nous nous dirigeons en droite ligne, abandonnant le marigot pour couper au travers des verdures navigables. De fréquents passages y ont du reste tracé un sentier aquatique plaqué de nénuphars. Et tandis que la barque s’avance, à côté du pompon sombre, vert maintenant, apparaît une nouvelle hauteur sablonneuse. Lentement elle se précise. Enfin le tableau se dessine : sur la crête de la dune, à l’une des extrémités une masse carrée de murailles sur laquelle flotte un drapeau — le fort sans doute ; — à l’autre extrémité, comme gravée au burin dans le ciel clair, une croix haute et noire étend des bras sinistres… Au-dessous de cet étrange vis-à-vis, des maisons cubiques en terre et des huttes rondes en paille descendent vers la berge. Tel apparaît Kabara.

Les dernières herbes franchies, nous débouchons au milieu