accompagnent les chameaux. Il y a des femmes aussi, juchées sur des bourricots, avec, en croupe, leur progéniture qui braille, tandis qu’elles fument placidement de longues pipes. On a moins l’impression d’une caravane que d’un peuple armé qui émigre, chargé le plus possible, emportant ses lares.
Ces confins du désert me causent une déception. Je n’attendais aussitôt à une vaste nappe nue de sables éblouissants. La nature ne procède pas à un changement aussi brusque, elle ménage une transition. Certes ce n’est au loin à la ronde que
sables chauds et moelleux, mais non pas nus. Seule la route, ou
plus exactement la piste, offre la blancheur et l’éblouissement
attendus. On avance au milieu d’une végétation particulière,
ni futaies ni broussailles. C’est une forêt d’arbrisseaux qui
ne dépassent guère la taille d’homme et jamais ne deviendront
des arbres : une forêt naine, une forêt rachitique, des
touffes de palmiers-nains, de mimosas, de gommiers, d’acacias,
un assemblage de verdures à épines et aiguillons. Tout cela
est d’un vert pâle et poussiéreux, d’un vert anémique ; les
branches et les feuilles sont si menues qu’il n’en résulte
aussi qu’une ombre anémique, l’ombre fantôme d’une forêt
fantôme.