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TOMBOUCTOU LA MYSTÉRIEUSE

dires, mais dans le sobriquet qu’ils donnent à ceux qui n’usent point de cette coiffure : ils les appellent des bouches à mouches. Eux ne quittent jamais leurs voiles, même pour manger. L’usage leur en est devenu si familier que « celui à qui on l’aurait enlevé serait devenu méconnaissable pour ses amis et parents ». Si l’un est tué au combat et qu’il ait été dépouillé, « personne ne peut dire qui il est, jusqu’à ce que cette partie de son habillement ait été remise à sa place ». Et cependant l’arête du nez et le bas des yeux restent seuls découverts !

La rareté de l’eau et l’épuisement rapide des maigres pâturages les mirent en marche perpétuelle. Avec cette mobilité extrême, et l’agglomération leur étant interdite dans un pareil pays, toute organisation politique ou sociale devint impossible, s’effaça, disparut. Ils perdirent la notion de l’Autorité et de la Loi. Il leur arriva ce qui est advenu aux Juifs et à tous les peuples jetés hors de leur voie normale ; leur cerveau et leur âme se couvrirent de tares. Chacun fut livré à ses instincts. La seule loi reconnue fut la loi du plus fort. La vie nomade les mena au vagabondage, au pillage et au brigandage.

Le vol devint leur industrie nationale concurremment avec l’élevage. Ils prirent l’habitude d’augmenter le maigre ordinaire de leurs troupeaux en rançonnant les uns et en dépouillant complètement les autres. Voyageurs, commerçants, voisins, devinrent leur proie. Quand les étrangers manquaient, ils se volaient et se tuaient entre eux, car nul lien n’unissait leurs tribus, divisées au contraire par des haines acerbes et persistantes.

Ils adoptent vaguement l’islamisme qui se réduit chez eux en la croyance aux talismans. Mais aucune morale, ni musulmane, ni autre, n’étant parvenue à s’implanter, les pires vices deviennent leur caractéristique, sans qu’on puisse leur découvrir une qualité, sinon physique : une endurance extrême. Pillards et meurtriers quand leur nombre le permet, ils sont