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À TRAVERS LES SIÈCLES

portes bardées et si obstinément closes qui étonnent aussitôt le voyageur. Elles concentraient les soins les plus raffinés. Pour elles on dépensait sans regarder. De loin on faisait venir des plaques de bois dur et lourd. On les couvrait de ferrures partout, comme un gentilhomme d’Azincourt. Et ainsi barricadés les habitants menèrent, derrière leurs paravents de misère, une vie de cloitrés, aussi silencieuse que possible. On cessa de piler le couscouss dans les grands mortiers en bois, selon l’usage du Soudan. La cadence du lourd pilon n’aurait pas manqué d’attirer le Touareg en quête d’un repas. On écrasa le grain entre deux pierres, on le broya sans bruit. Frappait-on à la porte, toute la maisonnée faisait le mort ou s’empressait, à tout hasard, de cacher les objets de prix. Le visiteur n’était-il pas initié, il faisait à haute voix un long discours devant la porte, déclinant ses noms, ses recommandations, le but de sa visite. L’exposé de ces motifs avait-il été jugé satisfaisant, on se décidait à donner signe de vie : quelques questions encore et on ouvrait enfin.

Le même mystère s’étendit naturellement aux opérations commerciales. On profitait du moment où aucun Touareg n’était signalé en ville pour aller trailer les affaires. Dans le cas contraire, on attendait que la nuit fût venue. De toute façon, la livraison des marchandises ne se faisait que dans l’obscurité.

… J’étais initié au secret de Tombouctou. La désastreuse vision de l’arrivée n’était expliquée. Avec mes narrateurs pour guides je commençai alors à parcourir les mêmes rues et les mêmes places que lors de mon arrivée. Ils me montrèrent de plus près les petites masures cubiques et les grandes maisons croulantes, me firent ouvrir les portes bardées et closes, me révélèrent tout ce que cachaient les décors de ruines.


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