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TOMBOUCTOU LA MYSTÉRIEUSE

et trois ans sans réapparaître et souvent ne revenaient jamais, moins par malhonnêteté que par suite des guerres et de l’insécurité des routes.

Le quartier de Baghindé était en grande partie occupé par ces Arabes, qui naguère étaient encore au nombre de trois cents, tant Marocains que Touatiens ou Tripolitains. Ils formaient une colonie appelée « la communauté des hommes blancs », analogue aux colonies européennes dans les villes du Levant. Comme celles-ci, elle avait à sa tête une sorte de député qui avait le nom de « chef des blancs » et comptait parmi les notables, prenant part à leurs délibérations. À notre entrée à Tombouctou nos officiers trouvèrent comme chef des blancs un Tripolitain du nom de Milad, fort intelligent, ayant eu dans son pays des relations avec les Européens, et qui n’a cessé de faciliter notre occupation par ses conseils et ses bons offices.

Cette colonie de négociants arabes a fondu sous l’odieuse tyrannie des Touaregs comme la population indigène elle-même. Toutefois ce serait une erreur de croire que Tombouctou ait jamais été une cité très populeuse. D’après l’étendue qu’occupait autrefois la ville, j’estime qu’elle avait aux temps de sa splendeur de 40 à 50,000 habitants. L’absence et l’impossibilité de toute industrie ou production locale, puisque la ville est au seuil du désert, explique ce chiffre, faible si on le compare aux autres grandes places de commerce musulman, comme le Caire ou Damas ; mais considérable, si l’on songe que cette population s’adonnait uniquement au commerce, et en vivait uniquement. Tombouctou comptait 50,000 commerçants, voilà ce qu’il importe de voir. C’est ce qui explique qu’aujourd’hui encore, alors qu’elle compte 8,000 habitants seulement, son importance est tout autre que celle de ce chiffre. Il faut lire : « Tombouctou compte 8,000 commerçants. » Car la population ne vit d’autre chose que de son commerce. En gros ou en détail chacun est négociant, com-