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LE COMMERCE ET LA VIE

Il faut constater, d’autre part, que sur le Niger, en aval, se sont improvisés des marchés où procèdent à leurs ventes et à leurs achats les irréductibles ou les timorés, qui venaient, mais ne viennent plus à Tombouctou depuis notre occupation. Deux de ces marchés, Keirago et Bamba, ont aujourd’hui une importance presque égale à celle de Tombouctou, comme population et comme trafic.

Pour avoir une idée exacte du mouvement d’échanges de Tombouctou, il importe de tenir compte de pareils facteurs. Je crois donc qu’à l’heure actuelle, c’est-à-dire après des siècles de vicissitudes, le commerce annuel de Tombouctou peut s’élever à une vingtaine de millions, c’est-à-dire au double du chiffre d’affaires constaté en 1893 pour toute la colonie du Congo français.

Tombouctou n’était pas seulement un lieu de grand commerce. Elle représentait également, pour tout l’ouest africain, la grande ville de plaisir. En particulier pour les Arabes.

Au Sénégal je causais avec un de ces commerçants marocains qui forment à Saint-Louis une colonie très active et riche. Étant en route pour Tombouctou, je ne manquai pas de lui demander ce qu’il en savait, ou plutôt ce qu’il en avait entendu dire, car il ne l’avait point visitée : « Ah ! tu vas à Tombouctou, me dit-il, et aussitôt ses yeux s’illuminèrent singulièrement. Oh ! à Tombouctou il y en a des dames ! — beaucoup ! — et beaucoup jolies… Oh !… Oh ! » Ainsi, chez lui, le commerçant, musulman au surplus, c’est-à-dire n’aimant pas à mêler la femme à ses conversations, c’était la vie galante qu’évoquait tout d’abord, avant les affaires, le nom de Tombouctou.

Après l’or, l’ivoire, les plumes d’autruche, l’un des principaux attraits de Tombouctou, pour les gens du Nord, furent certainement les mœurs faciles du Soudan, dont il nous a fallu parler déjà à Dienné. Le fait ressort non seulement des récits