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TOMBOUCTOU LA MYSTÉRIEUSE

Ne pouvant se développer dans le domaine des arts matériels, Tombouctou porta tous ses efforts sur les arts intellectuels. Et ici, la moisson fut surprenante et immense.

La cité a été le centre religieux, scientifique et littéraire des régions baignées par le Niger — le cerveau du Soudan. Le sel vient du nord, dit un proverbe soudanais, l’or vient du sud et l’argent du pays des blancs, mais les paroles de Dieu, les choses savantes, les histoires et les contes jolis, on ne les trouve qu’à Tombouctou.»

Ce serait peut-être exagérer que de mettre Tombouctou et les écoles de Syrie, d’Espagne, du Maroc, et surtout d’Égypte, sur un plan égal, qui est le premier. D’autres seront-ils plus heureux ? Je l’espère. Quant à moi, je reconnais n’avoir pas trouvé dans ses bibliothèques une œuvre pouvant balancer la gloire des chefs-d’œuvres de la langue et de l’esprit arabes, par exemple des Séances d’Hariri ou d’Hamadini, ou des Kaïsadas bédouines. Mais il ne faut pas s’y tromper : Tombouctou ne fut pas seulement le plus grand centre intellectuel du Soudan, c’est-à-dire des nègres. Ce fut aussi un des grands centres scientifiques de l’Islam entier. Son université a été la sœur cadette des universités du Caire, de Cordoue, de Fez, de Damas. La collection de manuscrits anciens que nous avons rapportée ne laisse aucun doute sur ce point, et permet même de reconstituer tout ce côté de son passé dans les moindres détails.

C’est dans l’Occident africain qu’il faut rechercher les origines de la grandeur intellectuelle de Tombouctou ; c’est aux Maures qu’il faut en attribuer l’honneur. On sait que cette fraction du peuple berbère adopta aussitôt la religion nouvelle des Arabes, ses vainqueurs. Par les tribus maures échelonnées le long de la côte Atlantique, l’Islam pénétra aux Pays des Noirs dès le ixe siècle.