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II

LE NIGER

Je ne suis pas né poète, et, jusqu’à l’heure présente jamais je ne l’ai regretté. Les dames des temps d’aujourd’hui n’aiment guère les vers. Toilettes monumentales, baccalauréat, spéculations de bourse, études médicales, conférences de notaires, morphinomanie, grimoires d’huissiers, droits politiques : voilà leur poésie !

Ô Niger, je ne t’avais pas encore vu. J’ai des regrets maintenant de n’avoir pas été touché par la Muse. Et c’est la première tristesse que tu me causes de ne savoir dignement te chanter, de ne pouvoir, ainsi qu’il me plairait pour la première fois, bercer en des rythmes délicats les heures délicieuses que je te dois dans la vie, ni fixer en des rimes sonores les majestueuses sensations et les grands rêves que ta vue m’inspira.

Tu es l’âme du vaste Soudan, et son cœur aussi. Le jour où, à travers ses immenses plaines, tu cesserais d’épandre tes flots infinis, la vie s’en retirerait comme elle quitte le corps des hommes quand le cœur a cessé de battre. Et le Soudan rentrerait dans le néant : le Sahara.

À l’aurore des mondes, de ce néant tu vins le tirer. Toi