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TOMBOUCTOU LA MYSTÉRIEUSE

a précédé, aussi longtemps que nous serons en vie », dit-il à la dernière page du Tarik. Et un appendice énumère les événements, jusqu’en 1656, qui est, par conséquent, la date de sa mort.

Tel est le plan de cet ouvrage capital qui a été pour nous un guide charmeur et pittoresque à travers le Soudan. C’est le livre préféré du nègre. On le connaît au loin dans l’Ouest africain, sur les rives du Niger et sur les bords du lac Tchad. Barth n’a-t-il pas recueilli ses fragments à Gando ? Quant à moi, dès le Sénégal j’entendis parler du Tarik. J’en trouvai un exemplaire excellent à Dienné. L’ayant fait transcrire, la copie fut relue et corrigée sur un exemplaire de Tombouctou : on possède donc aujourd’hui l’œuvre aussi complète que possible[1].

Le style est très net, très clair, dépouillé des artifices d’écrivain qui plaisent aux Arabes, mais rendent les idées obscures. N’est-il pas digne de Tacite ce récit des derniers moments de la royauté songhoï ?

« Quand Askia Isach eut pris la résolution de fuir devant les Marocains, les grands de l’armée qui l’avaient suivi rassemblèrent tous les insignes de la royauté qu’il avait avec lui et les brûlèrent. Ensuite ils prirent congé de lui ; ils se demandèrent mutuellement pardon ; il pleura et ils pleurèrent, et ce fut la dernière fois qu’ils se virent. » Les images ne manquent pas de justesse : les escadrons des Touaregs sont comparés à « un large vol de sauterelles ». L’écrivain sait aussi toucher la note sensible et choisir des expressions d’une rare délicatesse : « Un jeudi du mois de Djoumada, mourut notre amie, la cherifa Nana Kounou, fille de Boni, le chérif : son âme s’envola dans un sourire alors que sa tête reposait sur mon genou.»

  1. M. Houdas, l’éminent professeur de l’École des langues orientales, se dispose à en publier une traduction.