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TOMBOUCTOU LA MYSTÉRIEUSE

relations suivies avec lui et vint le visiter assez fréquemment. Les habitants notables et autres gardaient une grande réserve, Ses questions et ses notes les avaient mis en défiance. Il m’a semblé que la faute qu’il commit, et qui lui coûta la vie, fut de ne pas expliquer à tous venants, et par le menu, sa présence et sa mission. « Il n’avait pas su gagner la confiance des gens, me dit textuellement le vieil alamamy. Il n’a pas causé avec eux, il ne les a pas amusés (par ses récits). Sans cela il aurait eu des amis dans la ville. Et ceux-ci l’auraient averti de ce qui se tramait. Ainsi toi, chacun sait que tu n’es ni soldat, ni marchand. Chacun sait que tu veux tout voir, tout entendre, lire nos livres, non pour nous causer du tort, mais pour raconter chez les Blancs les histoires des Noirs. Tout le monde vient chez toi. Ta maison est loin des deux forts, Tu y vis seul avec ton domestique. Eh bien, quelqu’un comploterait contre toi, certainement moi ou l’un de ceux qui te connaissent t’avertirait. »

La population eut peur de Laing, de ses notes et de ses questions. Le surnom militaire d’El Raïs contribua sans doute à leurs craintes. Toujours est-il que le malheureux n’avait rien fait qui pût offenser ou choquer les habitants. Aucun de mes narrateurs n’a laissé échapper le moindre reproche contre lui. En revanche ils me confirmèrent unanimement que le soupçon d’espionnage avait fini par déchaîner une vive hostilité. Tel fut le vrai motif de sa mort, et nullement sa qualité de chrétien, ainsi qu’on l’a pensé.

Quelques jours avant son départ il commit un nouvel excès de zèle. Il voulut connaître Kabara. Son hôte lui représenta l’insécurité de la route. Il s’y rendit néanmoins en une chevauchée nocturne. Cette dernière imprudence semble avoir été décisive. C’est véritablement un espion, pensèrent les habitants. Alors, pressés par le populaire, les notables se concertèrent et décidèrent la perte de Laing. Le chef de la ville, c’est-à-dire son hôte, fut chargé de faire exécuter l’arrêt.