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TROP TARD

que ma mère laissait tomber lentement, et je cherchais en vain à réveiller les souvenirs qu’elle évoquait : la charmante vision apparaissait seule, plus brillante que jamais, sur un fond d’ombre épaisse.

— « Comment ne l’ai-je jamais revue ? demandai-je. Pourquoi ne m’as-tu jamais parlé d’elle ? »

Ma mère eut un imperceptible froncement de sourcil.

— « Nous nous étions perdues de vue, et je ne songeai pas à parler d’elle.

— Oh ! mais il faut la retrouver ! m’écriai-je en m’agenouillant devant ma mère. Maintenant que tu connais le remède à mon mal, tu ne vas pas me laisser mourir. »

Ma mère me regardait avec une expression soucieuse.

— « Nous allons en Russie, n’est-ce pas ? lui dis-je.

— Soit, répondit-elle, après un instant d’hésitation ; mais il faut au moins que je prévienne la comtesse, que je sache où elle est.

— Une lettre ? Oh ! que ce sera long ! Envoie une dépêche plutôt.

— Va pour la dépêche ! »