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y ont travaillé, sçavoient, de ce temps, manier l’esprit avec la main, et le compas, comme l’on dict, avec la raison. Qui voudra regarder de bien près voira, pour tout dire en un mot, les clochers, les porteaux, les niches, les statues, les escussons et tymbres, les colonnes, assiettes, esloignement avec symétrie et proportion, et au dedans et au dehors. »

Le fait est qu’il y a à admirer à l’extérieur et à l’intérieur de l’église du Folgoët : le haut clocher de 53 mètres, sa galerie flamboyante, ses quatre clochetons ; le portail occidental privé de son portique, son ogive enguirlandée de choux frisés, son tympan où s’inscrit une Adoration des Mages ; le portail de l’évêque Alain de la Ruë, ses deux portes encadrées d’une grande ogive où grimpe une vigne chargée de raisins, la statue du prélat ; le porche des apôtres, le plus beau, non pour ses rudes statues des apôtres, mais pour son ornementation de vigne et de mauve, de bestioles, d’insectes, et pour sa statue de Jean V ; le côté du levant, son agencement de fenêtres de style rayonnant et flamboyant, sa galerie de quatrefeuilles, sa magnifique rosace à plein cintre, aux seize ogives rayonnantes trilobées surmontées de trèfles, sa fontaine qui jaillit au chevet, sous le maître-autel, la grotte en arcade ornée de guirlandes en feuilles de chardon, la vasque surmontée d’une statue de la Vierge, d’un si doux sentiment gothique, la Vierge de l’innocent Salaïn. À l’intérieur, si la fresque de la vie de Salaün est médiocre, il y a un chef-d’œuvre, le jubé en pierre, un des plus beaux qui existent, avec ses trois arcades, ses quatre piliers, sa galerie en quatre feuilles, ses sculptures d’animaux et de feuillages, et il y a aussi les autels, avec leurs anges, leurs vignes aux sarments noueux, leurs chardons.

Près de l’église, le Doyenné, ou Hôtel des Pèlerins, dresse sa muraille sévère et armoriée, aux rares ouvertures : deux portes, quelques petites fenêtres ; et son grand toit, sa tourelle hexagonale flanquée d’une tourelle ronde. Par lettres patentes du duc Jean V, datées du 7 décembre 1432, cette maison était franche de toutes impositions, les doyens devant y recevoir, loger et nourrir les pèlerins.

LA GRÈVE DE BRIGNOGAN.
LE TONNEAU POUR LA DÎME DANS LA CHAPELLE SAINT-POL.

Après le Folgoët, si l’on va vers la mer, ce sont les grèves de Goulven, le dolmen de l’Enchanteur, les menhirs de Plouncour-Trez et de Kerlouan, les rochers de Brignogan. Brignogan a quelque ressemblance avec Ploumanach, mais seulement par la quantité de ses pierres. La couleur et les lignes du paysage sont toutes différentes. Ce n’est plus le granit rose encadrant les entrées bleues de la mer, c’est de la pierre gris sombre, en avant du large, un paysage terrible et menaçant. On est loin aussi de la plage de villégiature et des jardins en terrasses de Roscoff avec ce pays de pierres revêches, de champs en demi-deuil violets de bruyères, de passantes de monastères, coiffes blanches, robes noires ou grises ou d’un bleu passé. De bons instants furent pourtant vécus là, et vite vécus, sur cette avancée de terres, entre Goulven et Kerlouan, vers Pontusval, parmi les pierres étranges, oiseaux, tortues, griffons, mastodontes, si changeantes d’aspects et d’expressions, immobiles, passives ou convulsées. Certains groupes sont des femmes en proie à des sphinx. Des morceaux de pierres crevées et usées offrent des faces de désolation. D’autres, gigantesques, au loin, dans les flots, sont brumeux et hérissés comme des châteaux de rêves. La mer jase en oiselets de ruisselets, mugit en énorme et lointaine