Page:Le Tour du monde, nouvelle série - 08.djvu/314

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les enfants, et les beaux-parents, et ce sont les mêmes célibataires qu’évaluent furtivement les regards soupeseurs des mères et les regards acérés des jeunes filles.

Animation de même au port marchand, situé au pied de la ville, et sur lequel on plonge de la balustrade du cours d’Ajot, mais animation d’un autre genre, chargement et déchargement de bateaux, débardeurs, douaniers, usiniers. Toutefois, c’est au port militaire que la vie de Brest bat son plein, Les canots conduisant aux écoles et aux bâtiments en rade glissent, au mouvement unanime de leurs rameurs vêtus de bourgerons de toile blanche et coiffés de bérets bleus, ils se faufilent à travers les bâtiments déclassés, les pontons, les navires, les cuirassés. De tous côtés, c’est le travail, l’arrivée, le départ des marins, les passages d’ouvriers. Vue du pont qui mène à Recouvrance, cette activité, qui dure tout le jour, a bien aussi sa beauté, comme le travail des champs et des bords de la mer ; mais cette beauté a quelque chose de dur et d’angoissant. Si pauvres qu’ils soient, les pêcheurs, les laboureurs semblent jouir de la liberté sur leur barque, sur leur sillon ; ils peuvent s’arrêter pour respirer, pour lever la face vers vous, pour échanger les mots de la rencontre ; ils peuvent réfléchir, ils peuvent rêver. Ici, le labeur a quelque chose de mécanique et d’ininterrompu. Ce que l’on a devant les yeux, c’est une puissante machine sociale qui fonctionne, où les hommes ont leur place de rouage et leur fonction précise, qui ne leur laisse pas le loisir d’un arrêt et d’une pensée.

LE PORT DE BREST.

L’histoire de Brest, c’est l’histoire de son port, de son admirable rade, de son château. Ville et château sont cédés par un seigneur de Léon, Hervé IV, à un duc de Bretagne, Jean Ier, en paiement de sommes qu’il lui devait. Montfort s’en empare, y met garnison anglaise. Le duché rattaché à la France, Brest devient le centre des armements pour les guerres d’Italie ; des chantiers s’y établissent ; Louis XII, François Ier, y font construire des vaisseaux, Henri IV lui donne le droit de bourgeoisie, Richelieu y organise sa marine en 1681, Vauban le fortifie en 1680, l’ingénieur Choquet de Lindu agrandit son enceinte en 1773. Sous la Révolution, Brest est ville républicaine, ses administrateurs réorganisent la flotte dont les cadres avaient été détruits par l’émigration. Qu’y a-t-il encore dans l’histoire de Brest ? Le bagne, établi en 1751, supprimé en 1854. Il était situé dans l’arsenal, près des Corderies. Les condamnés à plus de dix ans de travaux forcés y étaient