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curiosités à chercher ici. Cette église est placée sous l’invocation de saint Maurice, qui a ses ossements dans un reliquaire en vermeil, et le retable représente son martyre, saint Maurice, chef de la légion thébaine ayant préféré le supplice à l’abjuration. J’admire l’œuvre, qui est des mieux composées, qui met en scène le courage et la mort du chef et de ses soldats, et je sors assez vite.

LE RETABLE DE CROZON REPRÉSENTANT LE MARTYRE DE SAINT MAURICE ET DE SES SOLDATS.

Il y a des jours où la recherche des sculptures, ciselures, peintures, est mal venue, s’impose comme un travail harassant, toujours le même et toujours à recommencer. C’est un sentiment tout à fait injuste, né de la fatigue, et cela signifie seulement qu’il faut être en bonne disposition pour goûter pleinement les œuvres d’art. Mais le voyageur n’a pas à cacher son état d’esprit, et j’avoue qu’aujourd’hui, plutôt que d’étudier par le détail les faits et gestes du chef de la légion thébaine, je préfère passer les instants de mon repos dans le jardin attenant à l’hôtel où je suis descendu. Voilà une merveille réconfortante qu’un jardin de ce genre. On peut y rester solitaire, on se sent environné de vie, on la voit sourdre et croître de toutes parts, avec les beaux feuillages des légumes de printemps, les épanouissements des fleurs visitées par les abeilles. Chaque carré, ici, est un monde de formes et de couleurs, un monde intime, secret et parfait, qui a sa logique et son unité. Tout est humble et joli, il y a de beaux massifs, des allées ombragées, et le vent frais de la mer passe à travers tout ce décor, lie et délie les branches, caresse les fleurs, donne une légère palpitation à toutes choses.

MENHIR À CROZON, RESTÉ SEUL DEBOUT SUR LA VASTE LANDE.

La mer, maintenant, me sollicite, mais j’avoue qu’en y allant, par une assez jolie route, il m’arrive de regretter le jardin paisible. Je tombe, en effet, rapidement, en plein parisianisme, la maison genre « environs de Paris » remplaçant subitement les graves et harmonieuses bâtisses du pays. Sur le seuil de ces portes où grimace déjà l’« art nouveau », je dois m’attendre à voir apparaître les physionomies connues du Tout-Paris des premières, et même des répétitions générales, et, en effet, je crois distinguer sur le perron d’un castel les physionomies d’artistes en quête d’un pays à découvrir, de ceux à qui le franc-comtois Courbet demandait s’ils n’avaient pas de pays.