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Mikado a choisi ce site élevé, comme s’il voulait démontrer à tous que le rôle du Japon doit être ici prépondérant et son influence supprimer peu à peu celle des autres puissances.

Notre séjour se passe à excursionner de tous côtés ; le tramway électrique nous mène au tombeau de l’impératrice, situé à une courte distance, près de la porte de l’ouest ; c’est un monument dans le style chinois, sans grande élégance, et construit à la hâte ; mais il n’est que provisoire et, suivant l’habitude coréenne, sera transféré plus loin. L’empereur se doit à lui-même d’élever un mausolée imposant, destiné à perpétuer le souvenir d’une grande patriote ; il réparera ainsi l’insulte posthume qu’il fit à sa mémoire, peut-être sous la menace des envahisseurs japonais, en publiant un édit qui la dégradait et la déclarait coupable de tous les troubles et des malheurs du pays. Revenu à de plus justes sentiments, l’empereur révoqua cet édit dans la suite. Chaque année, une cérémonie commémorative est célébrée près du tombeau ; l’empereur, ses ministres et les représentants des Gouvernements étrangers y assistent pieusement ; jusqu’à l’année dernière, le chargé d’affaires du Japon s’était abstenu d’y paraître, mais, en 1901, il s’y montra à l’indignation de chacun.

Ce tombeau, situé sur un tertre légèrement surélevé, se compose de deux petits édifices juxtaposés, entourés d’arbres. Cette excursion demande à peine quelques heures ; nous pûmes donc employer le reste de la journée à circuler dans les rues de la capitale, malgré un froid rigoureux et un temps pluvieux qui les rendait boueuses et quelquefois impraticables ; les malheureux pousse-pousse ont peine à circuler dans les fondrières, et les piétons doivent se jucher sur les hauts sabots coréens pour éviter les ornières dues à la négligence de la voirie municipale. Cependant, les rues larges, spacieuses pour la plupart, sont très fréquentées, et les boutiques ne chôment pas de clients qui marchandent, parlementent avant de se décider à faire un achat même minime.

Dans ces boutiques, nous trouvons les objets de toilette féminine, des vêtements de soie bleue, des pantoufles mignonnes, à semelles de carton, à empeigne en cuir, au bout recourbé, Le tout peint de différentes couleurs ; si j’en juge d’après leurs dimensions, elles doivent chausser de petits pieds agiles pour la danse et que la marche ne déforme pas, puisqu’il est dans les habitudes des femmes de la classe riche ou aristocratique de ne jamais sortir qu’en chaise à porteurs.

VUE PANORAMIQUE D’UN QUARTIER DE SÉOUL. — D’APRÈS UNE PHOTOGRAPHIE.

En effet, on peut dire qu’en Corée les femmes se divisent en trois classes : 1o celles qui ne sortent qu’en palanquin ; 2o celles qui sont tellement couvertes qu’elles sont invisibles ; 3o celles que leurs fonctions domestiques obligent à circuler ; ce sont les femmes du peuple, de la basse classe ; il est d’ailleurs interdit non