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ans, seule et à l’exclusion de tout autre bâtiment, dans les mers des Indes de l’orient et du sud ». La Compagnie s’empara des hangars du Blavet, en construisit d’autres, les transforma en vastes magasins, creusa un port, un bassin, bâtit des maisons ; une population vint s’établir autour de ce foyer d’activité, et on donna le nom de « l’Orient » à la nouvelle cité. Mme de Sévigné, au cours du voyage qu’elle fit dans la région, écrit, le 31 août 1689, dans une lettre datée d’Auray : « Nous avons, ma chère belle, fait depuis trois jours le plus joli voyage du monde au Port-Louis, qui est une très belle place, dont la situation vous est connue… Nous allâmes, le lendemain, dans un lieu qu’on appelle Lorient, nom emprunté au pays d’Orient, avec lequel on fait ici de vastes opérations commerciales, et petit port situé à une lieue dans la mer, cette belle pleine mer qu’on a toujours devant les yeux. Un M. Le Bret, qui arrive de Siam et qui a soin de ce commerce, et sa femme, qui arrive de Paris et qui est plus magnifique qu’à Versailles, nous y donnèrent à dîner. Nous fîmes bien conter au mari son voyage, qui est fort divertissant. Nous vîmes bien des marchandises, des porcelaines et des étoffes : cela plaît assez… Si vous n’étiez point la reine de la Méditerranée, je vous aurais cherché une jolie étoffe pour robe de chambre, mais j’eusse cru vous faire tort. Nous revînmes, le soir, avec le flux de la mer, coucher à Hennebont, par un temps délicieux ; votre carte vous fera voir ces situations. »

HENNEBONT. LA VILLE CLOSE AVEC SES RUES CALMES ET SES MAISONS DES SIÈCLES DERNIERS.

La Compagnie des Indes fusionna avec la Compagnie d’Occident, en 1719 ; la ville se développa encore, fut fortifiée, envoya des députés aux États de la province. C’est un port de guerre en 1740, lorsque Dupleix et Mahé de la Bourdonnais vont battre les Anglais dans l’Inde et s’emparer de Madras. Six ans après, une flotte anglaise vint assiéger inutilement Lorient. La perte des Indes ruina la Compagnie. Une nouvelle compagnie fut fondée par arrêt du 14 avril 1785, mais ne tarda pas à faire retour à l’État. Sous Napoléon, Lorient devint définitivement un port militaire et une place de guerre. À ce moment, la population n’y dépassait guère quinze mille habitants, elle est, aujourd’hui, d’environ quarante-cinq mille.

On entre dans la ville par la porte du Morbihan. C’est un peu l’entrée de Brest : des remparts, des talus plantés d’arbres, des fossés, et toute une population qui vient là chercher les agréments de la campagne. Presque tous les abords des grandes villes se ressemblent. Lorient est tout à fait grande ville, d’aspect et d’habitudes, une grande ville divisée en deux parties, par le port d’échouage et le bassin à flot. La partie nord est la ville proprement dite, séparée du Scorff par l’arsenal, et entourée d’une double enceinte de remparts, dont la plus avancée est une ligne à front bastionné, à redans et à courtines. C’est là que se trouvent la mairie, le lycée, l’hôpital, le théâtre, les halles, le musée, les statues de Bisson, de Victor Massé. La préfecture maritime est en dehors, sur la place d’Armes, dans l’un des pavillons construits en 1733 par la Compagnie des Indes. L’autre partie de la ville, au sud, est faite de quelques rues autour de la place Rohan et contient un petit square avec la statue de Brizeux. Le tout est fort ordinaire, mais l’exis-