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de la baie ». Je cite encore, sur cette intéressante question, Cambry, qui explora le Finistère au début du xixe siècle. Il recueille les dires d’un pêcheur de Douarnenez, nommé Hervé Chenay, qui a trouvé, à la pointe du Raz, « des murs à quatre ou cinq brasses de profondeur. Son ancre s’arrête sur ces murs ; en la laissant tomber des deux côtés, il en suit la direction sans rencontrer d’inégalités, comme cela aurait lieu pour des rochers… Enfin, dans les fortes tempêtes, quand les sables sont enlevés par les fureurs de l’ouragan, on aperçoit, au fond de la baie, de larges troncs d’ormeaux, d’une couleur noire et dont la position a une apparence de régularité ». Qu’il y ait des pierres et des arbres sous l’eau, c’est-à-dire des terres envahies par la mer, cela n’a rien d’inadmissible. Quant aux cercueils de pierre et aux chaussées pavées, sépultures gauloises, routes romaines, il n’en ressort pas de preuves particulières de l’existence de la ville d’Is.

UN BATEAU SARDINIER EN MER, PRÈS DE L’ÎLE DE SEIN.

Le trajet entre la presqu’île et l’île de Sein peut s’effectuer par des bateaux de pêcheurs, mais on peut leur préférer le bateau-courrier qui fait, chaque semaine, le voyage d’Audierne à l’île. Le temps met souvent obstacle au départ ou au retour, mais enfin on voit, avec ce bateau, je ne sais quelle garantie d’arrivée. Les habitants de Sein ne sont en communication régulière avec le continent que pendant sept ou huit mois de l’année. Le reste du temps, lorsque l’île est attaquée par la tempête, ou noyée, doublement noyée, dans la mer et dans le brouillard, les gens sont isolés du reste du monde, ne reçoivent aucun approvisionnement du dehors, n’ont pour vivre que leurs provisions, conserves de poissons, congres séchés et salés, assaisonnés avec des pommes de terre.

L’île de Sein, « Enez Sizun », la terre légendaire des prêtresses druidiques, ressemble à une carcasse de radeau que les flots achèveraient de ronger. Ce rocher informe, dominé par un phare entouré de bandes de rochers sinistres embusqués dans les lames, a une longueur d’environ 2 kilomètres sur une largeur moyenne de 1 kilomètre. Vers le milieu, le plateau se rétrécit à l’endroit où se creuse le port, occupé par les canots de sauvetage et par une flottille d’une trentaine de bateaux de pêche. Au delà, sont bâties les petites maisons du bourg qui abritent neuf cents personnes environ. Sur cet étroit territoire, la mer déferle. Il a fallu construire des digues, détruites en partie par la tempête de 1896, qui détruisit aussi plusieurs bateaux : Sein resta une quinzaine de jours isolée. Le fait n’était pas nouveau, et les tempêtes de 1756, 1865, 1879, sont restées célèbres. Je n’ai pas à prévoir, en cette belle saison, l’aventure de rester prisonnier dans l’île, et je puis facilement et assez rapidement accomplir l’excursion, partir un matin d’Audierne, et y revenir le surlendemain. La mer est calme dans la baie d’Audierne, et s’il y a des mo-