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ville se réunit d’urgence, sous la présidence du maire. Il fut décidé que les portes seraient closes et les remparts, encore intacts et formidables à cette époque, garnis des milices urbaines. En même temps, le tocsin du Beffroi sonnait la résistance et la bataille. Le 18, entre onze heures et midi, Mandrin et sa troupe apparaissaient sur la route durcie par la gelée, au galop sonore de leurs chevaux.

LA COUR INTÉRIEURE DE L’HÔTEL-DIEU, AVEC SES LONGS TOITS COUVERTS DE TUILES VERNISSÉES, PAREILLES À DES ÉCAILLES DE SERPENT, SES PIGNONS AIGUS, SES ÉPIS ET SES GIROUETTES (page 413).

La garde de la Porte de la Madeleine avait été confiée à l’adjoint Terrade, qui avait négligé d’en pousser les battants et se faisait fort d’arrêter l’élan de l’ennemi avec ses braves miliciens, rangés par lui en ordre de combat. Mais ceux-ci, dès qu’ils aperçurent les contrebandiers, qui fonçaient sur eux comme une trombe, bride abattue, les fusils hauts et criant : « Tue ! Tue ! À feu la ville ! » furent pris d’épouvante et se débandèrent. En un clin d’œil la porte fut enlevée d’assaut ; des salves de coups de fusil balayèrent les rues, où ces démons, toujours courant, se répandirent ; des hommes tombèrent ; toutes les fenêtres qui s’ouvrirent reçurent une balle ; chacun se terra où il put, et Mandrin se trouva maître, en moins d’une heure, d’une ville de 8 000 habitants.

Le maire, mandé près de lui et amené entre deux gardes, comme un prisonnier de guerre, fut invité à lui verser sur-le-champ 25 000 francs « pour le mauvais accueil qui lui avait été fait par la ville, à lui et à ses hommes ». On transigea à 20 000 francs qui, sur le conseil même de Mandrin, furent pris dans la caisse du receveur des Fermiers Généraux, auquel il remit, en échange, un acquit régulier signé de sa main, et un bon à valoir pour l’équivalent de la somme en tabac de contrebande. Après quoi, on trinqua cordialement. Les Beaunois se rassurèrent et il y eut foule bientôt pour venir voir de près, dans le cabaret où il s’était installé, l’inconcevable bandit. Il se laissa contempler et approcher tant qu’on voulut. Puis, vers les quatre heures, Mandrin donna le signal du départ. Ses hommes et lui remontèrent en selle. Il salua les autorités de son grand feutre noir, festonné d’or : « Messieurs, à vous revoir au Carnaval ! » Et le tourbillon disparut.

Le 11 mai de l’année suivante, Mandrin était fait prisonnier en Savoie pendant son sommeil, ramené en France, et supplicié à Valence quinze jours après.

Pendant la première moitié du xixe siècle, la population de Beaune se renforça de quelques milliers d’habitants, par suite de l’extension croissante du vignoble. Stationnaire à 10 000 âmes environ, jusqu’à il y a une trentaine d’années, elle tend à s’élever par l’établissement, dans les faubourgs hors les murs, de diverses industries : distilleries et vinaigreries, fabriques de bouchons, brosses, pressoirs, machines agricoles, tuiles, poteries, céramiques. Beaune forme, à l’heure actuelle, un chef-lieu d’arron-