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tout a une « clef »[1], occupe sept panneaux. Au centre, c’est le Christ Triomphant. On reconnaît en lui le Juge, impassible sans cesser d’être miséricordieux, et qui donne libre cours à sa justice, mais avec tristesse et pitié. Vêtu d’une robe de pourpre, il est assis sur l’arc-en-ciel, signe de l’alliance conclue entre Dieu et les hommes après le Déluge ; ses pieds ensanglantés, portant les stigmates de son supplice, reposent sur le globe terrestre, dont il est à la fois le Créateur et le Sauveur. Un nimbe crucifère auréole son front, rappelant que c’est par l’agonie de la croix qu’il a racheté ceux qui ont cru en lui. À droite de lui un lis tombe vers les Élus (rien de souillé ne doit entrer dans le ciel) ; à sa gauche, une épée vers les Damnés.

Près du Christ, saint Michel Archange fait dans une balance le Pèsement des âmes, tandis que quatre Anges, aux longues tuniques d’un rouge sombre, aux ailes écarlates, sonnent de leurs trompettes aux quatre vents du ciel ; les Morts, ressuscitant à cet appel, crèvent le sol de leur tête et de leurs mains, et sortent de la terre, maigres et nus. Le visage de saint Michel n’appartient à aucun sexe, car l’Archange n’est ni homme, ni femme. Il porte une tunique mauve pâle, la tunique de lin des lévites de la loi ancienne, et un manteau de brocard rouge, le « pluvial » de la loi nouvelle, unissant ainsi en lui les deux Testaments. Ses ailes, faites de plumes de paon, étincellent de milliers d’yeux ; elles sont le symbole de la Justice divine, qui sait tout, à qui n’échappent nulle faute, même la plus ignorée, nul bien, même le plus caché. Poursuivons. Une agrafe retient le manteau de l’Archange. Cette agrafe éveille, par son Cercle extérieur, l’idée de la Divinité qui, comme le cercle, n’a ni commencement, ni fin ; par ses Trois Lobes intérieurs, elle rappelle le mystère de la Sainte-Trinité ; par les Neuf Perles que renferment ces Trois Lobes, elle représente les Neufs Chœurs des Anges ; enfin, par le Rubis qui lui fait centre, elle symbolise le Sang du Christ, auquel tout se rapporte, au ciel et sur la terre, dans le temps et dans l’éternité.

LE BEFFROI DU XVe SIÈCLE, AVEC LA LANTERNE À JOUR DES ANCIENS VEILLEURS (page 412).

Ce motif central du Christ et de l’Archange est flanqué de six panneaux plus petits. Les deux panneaux supérieurs représentent les Assesseurs du Christ au Tribunal suprême et les Assistants. Les Assesseurs, divisés en deux groupes, reposent sur des nuées lumineuses, de couleur rose, en signe de béatitude. Ils rayonnent dans la splendeur de la gloire, symbolisée par un fond d’or qui, plus éclatant à mesure qu’il s’approche davantage du Christ, s’empourpre à son contact, car il en est la source et le foyer même. La brillante auréole de l’Homme-Dieu ressort sur ce fond d’or, sans se confondre avec lui. De même, le front de chaque personnage est entouré d’un nimbe qui lui est propre, chacun conservant ses propres mérites, sans qu’ils soient absorbés par la Divinité. Parmi les célestes Assesseurs on remarque d’abord la Vierge Marie, dont les mains longues et fines supplient pour les péchés des hommes ; ses traits comme ceux du Christ demeurent sereins et douloureux à la fois. Puis les Douze Apôtres, assis sur des trônes. Saint Pierre a un siège d’or et porte la pourpre romaine ; saint Jean l’Évangéliste, imberbe, est revêtu d’une robe blanche, symbole de la chasteté qu’il garda toujours ; saint Paul porte un ample manteau vert, sur le bord duquel le Credo est écrit tout entier en lettres dorées qui en font une broderie. Enfin, joint aux Apôtres, saint Jean-Baptiste se reconnaît à sa maigreur ascétique, à son vêtement en poil de chameau, à son manteau de

  1. Ces « clefs » nous sont fournies par un excellent opuscule, Le Jugement Dernier, Retable de l’Hôtel-Dieu de Beaune, par A. D. et M. G., Beaune, 1908.