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l’envoyer à Paris aux restaurateurs du Louvre, pour en nettoyer le barbouillage. Quelques autres travaux de retouche et de conservation y furent en même temps exécutés. Le tout coûta une quinzaine de mille francs. Après avoir figuré au Louvre, pendant l’Exposition de 1878, Le Retable revint au Musée de l’Hospice. Les volets, sciés dans leur épaisseur, en présentent simultanément les deux faces.

Après l’Hôtel-Dieu, le principal monument de Beaune est l’église Notre-Dame, qui s’élève au fond d’une calme place, avec ses toitures brunes, ses pignons triangulaires, son clocheton rond et le vaste porche qui la couvre presque tout entière. Inspirée, semble-t-il, de la cathédrale d’Autun, elle fut commencée au xiie siècle, remaniée dès le xiiie, puis aux xive, xve et xvie siècles ; ses faîtes n’ont jamais été terminés. Elle n’en demeure pas moins, dans son ensemble, un spécimen bien typique du style bourguignon. La grosse tour du clocher, du xiiie siècle, est, dit Viollet-le-Duc, intéressante à ce point de vue surtout. À sa base, en effet, on remarque des pilastres cannelés, dont au premier abord on ne s’explique pas la présence sur une construction de cette époque. Ils sont la marque de la force de la tradition antique, implantée dans le pays par le rayonnement de civilisation de la « Rome celtique », l’ancien Augustodunum, l’Autun moderne. La poussée est curieuse, jusqu’en plein Moyen âge, de cette survivance morale, de ce passé classique, auquel, sur cette même tour, se soude, directement et sans transition aucune, le style ogival et gothique.

L’ÉGLISE NOTRE-DAME, AVEC SES TOURS INACHEVÉES ET SON VASTE PORCHE EN BERCEAU, À TRIPLE PORTIQUE, QUI ENVELOPPE LA FAÇADE.

Surélevé de marches, le porche, tout gothique, avec son triple portique, ses fines colonnettes et les nervures de ses voûtes, est un monument à lui seul. Superfétation à l’église proprement dite, il en enveloppe la façade de son énorme berceau. Mais la Révolution en a jeté bas toutes les statues, gratté à vif, « bouchardé et ravalé » toutes les sculptures.

Par trois portes s’ouvrant sous ce porche et dont les six vantaux de chêne, du xve siècle, admirablement ornementés, ont été épargnés, on pénètre dans l’église. Construits en pierre dure, indestructible, la nef et le chœur, malgré les déformations ultérieures, ont grande allure. Ils appartiennent au gothique primitif du xiie siècle, sobre et robuste. Les arcs, en fer-à-cheval brisé, des ogives donnent à l’édifice des aspects de mosquée. Dans une chapelle du bas-côté gauche, une fresque à personnages, très ancienne, s’effrite et semble rentrer dans la pierre. Une autre chapelle, au bas-côté droit, œuvre de la Renaissance, déroute l’esprit par son plafond plat, à caissons et à pendentifs, par ses rinceaux trop élégants, où les Anges tournent aux Amours.

Sortant de Notre-Dame, il faut errer maintenant, un peu au hasard, parmi ces rues paisibles de la ville,