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pression faisant saillie au-dessus du glacier. Le lendemain seulement nous reconnaissons cette cime et réussissons à déterminer notre position ; nous sommes dans la bonne direction. Toutes les autres montagnes en vue, impossible de les identifier.

31 décembre. — Très beau temps ; −19°, avec une bonne brise. Nous apercevons les montagnes voisines du camp de la Boucherie. Par une chance inespérée, nous avons évité cette fois-ci la Salle de Bal.

1er janvier 1912. — Aujourd’hui, nous atteignons le glacier du Diable, reconnaissable de loin à ses énormes séracs et à ses hautes vagues de glace. À notre grand étonnement, nous y découvrons une plaine unie entre des zones disloquées. Les prochaines étapes nous inquiètent. Nous n’osons espérer que ces quelques séracs et crevasses comblées représentent tout le glacier du Diable.

2 janvier. — Le glacier du Diable est franchi ! Par une heureuse fortune, nous avons passé à droite de la région si dangereuse qui nous a donné tant de tablature en montant. Actuellement nous nous trouvons sains et saufs sur une belle plaine en aval de cette zone disloquée.

Au départ, à sept heures du soir, le temps n’est guère engageant. Pas d’horizon ; seul le sommet du mont Bjaaland est visible. Nous approchons du dépôt. Un ciel clair serait donc utile pour que nous puissions le retrouver ; au lieu de cela, la brume devient de plus en plus épaisse. Après avoir parcouru environ 11 kilomètres, il fait si noir que nous sommes forcés de nous arrêter.

Nous venions d’avaler un délicieux pemmican chaud, lorsque le soleil perce les nuages. En un quart d’heure nous levons le camp, nous chargeons les traîneaux et nous nous ébranlons. Le brouillard s’est partagé en deux bandes ; dans celle amoncelée à l’ouest apparaît quelque chose de gros et de blanc, une longue crête courant du nord au sud. Hourrah ! c’est le mont Helland Hansen ! Du côté du dépôt, la brume demeure aussi épaisse. Dans ces conditions, nous décidons de ne plus nous préoccuper de cette cache et de filer rapidement vers le camp de la Boucherie. Nous possédons encore des provisions en quantité suffisante pour y arriver. Les nuées se dissipent ; nous nous apercevons alors que nous sommes venus trop dans l’ouest, et non dans l’est, comme nous le croyions. En tout cas, nous ne reviendrons pas en arrière pour rechercher le dépôt. Près du mont Helland Hansen, nous parvenons sur une crête assez élevée. Comme nous avons parcouru nos 28 kilomètres quotidiens, nous campons. En arrière, sous un ciel lumineux, le glacier apparaît tel que nous l’avions vu la première fois, c’est-à-dire tout disloqué. Au milieu de ce dédale de crevasses et de séracs se distingue une bande blanche, unie, celle-là même que nous avions suivie quelques semaines auparavant. Chose curieuse ! Nous avons perdu la notion du jour et de la nuit ; nous avons même besoin d’un instant de réflexion pour savoir si l’heure indiquée par la montre se rapporte au matin ou au soir. Si nous n’avions écrit nos journaux, nous n’aurions même jamais su la date.


(À suivre.) Traduit et adapté par M. Charles Rabot.


LES CHIENS D’HELMER HANSEN : ZANKO, MYLIUS ET PING.