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de prostration complète, Wilson, Bowers et moi, retournons alors chercher le traîneau, tandis qu’Oates demeure auprès du malade. À notre retour, Evans a perdu connaissance ; quand nous le ramenons sous la tente, il est déjà dans le coma. À minuit trente, il s’éteignit tout doucement… Dans notre position, combien poignante est la disparition d’un compagnon, mais la réflexion montre qu’elle mettait fin aux terribles anxiétés de la semaine passée. Hier, en discutant la situation, nous avions reconnu qu’elle était désespérée avec un homme malade sur les bras, à une telle distance des quartiers d’hiver…

À 11 heures du matin, nous plions bagage et, après avoir descendu la zone disloquée, nous arrivons au dépôt.

L’ESCOUADE AU PÔLE SUD.

Dimanche, 18 février. — Après l’horrible nuit que nous venons de passer, nous nous accordons cinq heures de sommeil au dépôt du Glacier inférieur. Après avoir franchi ensuite assez facilement le col, nous arrivons vers 3 heures au camp de la Boucherie. Ce dépôt renferme une assez grande provision de viande de poney ; nous avons donc un souper copieux qui sera suivi de beaucoup d’autres semblables. Nous vivrons désormais dans l’abondance, à condition que nous puissions fournir de longues étapes. Immédiatement l’absorption d’une ration plus nourrissante semble nous donner de nouvelles forces ; mais l’état de la Barrière n’est pas sans m’inquiéter.

Lundi, 19 février[1]. — Température au déjeuner : −26°,6. Il est midi passé, quand nous nous levons après avoir dormi près de huit heures. Ensuite nous avons beaucoup à travailler au campement ; nous prenons un nouveau traîneau[2], le mâtons, le chargeons de viande de cheval et d’effets personnels.

La surface de la Barrière, molle et poudreuse, est en tous points aussi mauvaise que je m’y attendais. Magnifique soleil ; une grande chance que d’avoir aussi beau temps pour accomplir la besogne que nous avons à faire au camp, mais il nous faudrait du vent et une piste plus glissante, afin de pouvoir effectuer de longues marches. Je crains qu’aucun changement appréciable ne se produise avant quelques jours.

Température : −27°,2. Couvert avec peine 7 kilom. 6 en une courte étape. Piste extrêmement mauvaise. Il est peut-être prématuré de m’inquiéter au sujet des distances à couvrir. À tous les autres

  1. À l’intérieur de la couverture du carnet où se trouvent inscrites les dernières notes de Scott, se trouve l’inscription suivante : « Ce journal peut être lu par celui qui le trouvera, afin d’assurer sa conservation, mais il devra être envoyé à ma veuve. » La première page porte la mention : « Envoyez ce journal à ma veuve. R. Scott. » Le mot « femme » a été effacé et remplacé par le mot « veuve. »
  2. Des traîneaux avaient été laissés aux principaux dépôts pour remplacer ceux qui seraient avariés.