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tel emplacement à une ville qui eut, à toutes les époques, une grande importance. Il y a bien la célèbre Fontaine, dont les eaux solitaires et dormantes, après avoir fait une transparente ceinture au Jardin, stagnent pendant quelques centaines de mètres dans un canal artificiel, mais on se prend à regretter que le temps ait détruit l’antique aqueduc, on rêve du Rhône tumultueux et glacé. Est-ce en raison de ce climat de lourde chaleur, éminemment favorable aux reptiles, que Nîmes a pour armoiries quatre crocodiles ?

La ville, dont on attribue la fondation à une antique famille des Ibéro-Ligures, les Élesyques, devint une des plus importantes colonies romaines de la Gaule ; sa prospérité explique les beaux monuments d’architecture ancienne que l’on y peut admirer encore et qui ne sont, sans nul doute, qu’un vestige incomplet du passé. Les invasions successives ont apporté leur contingent de ruines : Vandales, Wisigoths et Sarrasins ont contribué tour à tour à l’œuvre d’anéantissement. Remparts, forum, temples, basiliques, thermes et théâtre ont ainsi disparu et c’est miracle qu’en dehors des Arènes imposantes et massives ait survécu le merveilleux bijou qu’est la Maison Carrée.

NÎMES. MAISON CARRÉE. SI CE TEMPLE EST D’ORIGINE ROMAINE, IL EST TOUT GREC D’INSPIRATION.

Si universellement connue, si vulgarisée par la photographie qu’elle soit, la Maison Carrée ne laisse pas d’impressionner profondément le visiteur, tant il y a d’harmonie dans son ensemble, de richesse dans sa décoration, de légèreté dans sa colonnade et dans sa frise. C’est vers elle que nous dirigeons d’abord nos pas, c’est à elle que nous donnerons le juste tribut d’une admiration sans réserve. Le premier sentiment que l’on éprouve lorsqu’on arrivant à l’extrémité du boulevard Victor-Hugo on se trouve brusquement en face de l’édifice est celui de l’harmonieuse proportion de ce temple, élevé, comme l’on sait, en l’honneur des petits-fils d’Auguste, Caïus et Lucius Agrippa, vers l’an 10 de l’ère chrétienne. Si ce temple est d’origine romaine, il est tout grec d’inspiration. Quelle délicatesse dans les cannelures des colonnes, dans les feuilles d’olivier des chapiteaux, dans la frise qui court entre l’entablement et la corniche ! Le temple, rectangulaire. (25 m. 13 de long sur 12 m. 29 de large et autant de haut, est entouré de trente colonnes dont vingt sont engagées et dix dégagées en façade. Le soleil méridional a, pendant vingt siècles, donné à ces pierres une adorable patine, dont les tons chauds sont si bien complétés par l’aveuglant azur du ciel.

L’amphithéâtre est à l’autre extrémité du boulevard Victor-Hugo. Ces arènes, postérieures d’un siècle et demi à la Maison Carrée, forment une ellipse parfaite dont la circonférence atteint 358 mètres et dont les gradins pouvaient contenir 40 000 spectateurs. L’Italie et la France possèdent un certain nombre de ces édifices qui donnent une sensation profonde de la grandeur romaine et près desquels nos modernes constructions ne sont que des pygmées ; parmi les plus réputés, le Colisée, les Arènes de Capoue, de Vérone, d’Arles même sont de dimensions plus vastes encore : nul ne peut rivaliser avec l’amphithéâtre de Nîmes pour l’état parfait de conservation extérieure qui lui a permis de garder intacte sa physionomie primitive. C’est, à notre avis, cet aspect extérieur qui est de beaucoup le plus suggestif, avec les cent vingt arcades en plein cintre réparties en deux étages et les nobles colonnes doriques appuyées sur les contre forts du rez-de-chaussée. À l’intérieur, de hautes galeries voûtées courent parallèlement aux arcades ; on aime à s’y perdre et à y savourer la fraîcheur, violent contraste avec l’embrasement de la place, à monter,